On ne peut éviter la comparaison… Les Présidents américain et français franchissent ensemble la ligne du mi-mandat. A priori, les deux sont “à gauche”. Ils ont fait l’objet d’un soutien marqué des médias français qui a permis une fois encore de constater l’imprégnation idéologique de ceux-ci, de même que leur propension à se tromper avec enthousiasme. Cette ressemblance est illusoire. Obama se situe très à gauche aux Etats-Unis en raison de ses positions sur certaines questions sociétales, comme le mariage entre personnes de même sexe, ou sa volonté d’introduire un système de santé plus socialisé. Il serait à l’UMP ou à l’UDI en France. Il a d’ailleurs déçu nombre de ses électeurs sur le problème de l’immigration. L’échec de son parti, le parti “bleu” démocrate, parfois vécu comme une débâcle, est sans commune mesure avec les raclées reçues ou à recevoir par le parti socialiste en France. Il se produit aux élections de mi-mandat, ce qui n’a rien d’inhabituel. Le régime présidentiel américain connaît régulièrement des situations qui sont d’ailleurs totalement différentes des “cohabitations” françaises, auxquelles le quinquennat a mis fin. Aux Etats-Unis, les deux pouvoirs, le législatif et l’exécutif, sont clairement séparés. Chacun peut bloquer l’autre, mais en définitive, ils sont contraints, la plupart du temps de négocier et les Américains reprochent en partie à Obama de n’avoir pas été habile dans ce domaine. En France, il n’y a en fait qu’un pouvoir, l’exécutif, dont le Parlement est l’exécutant, parfois malheureux de ce rôle, comme le révèle la fronde actuelle. La cohabitation a été chez nous une division de l’exécutif, non une séparation des pouvoirs.
Obama a été réélu, ce qui est fréquent mais pas systématique comme l’ont montré Carter ou Bush père. Son parti a gardé la majorité au Sénat lors du dernier renouvellement partiel et il ne la perd que maintenant. La majorité républicaine à la Chambre des Représentants est d’une ampleur plus rare. La baisse de popularité d’Obama explique la sévérité du score puisque beaucoup de républicains, en même temps qu’ils recentraient leurs discours, se taillaient de francs succès en pourfendant le locataire indécis de la Maison Blanche tandis que les démocrates semblaient l’ignorer. Vu de France, ce spectacle surprend. Un chômage en dessous de 6%, une croissance à plus de 3% qui ferait rêver Hollande, et une chute à 40% d’opinions favorables quand le “nôtre” est à 12. Les Américains sont les enfants gâtés de la démocratie. Ils votent peu surtout pour le mi-mandat et rien n’est perdu pour le candidat démocrate, Hillary Clinton par exemple, pour les Présidentielles de 2016. Leur vieux système bi-partisan a peu changé. Petit-à-petit, il a renforcé sa logique : un jeu spectaculaire doté de soutiens financiers de plus en plus importants pour faire élire de manière uninominale sur un territoire le bleu démocrate ou le rouge républicain, quelquefois un indépendant, auxquels l’élection attribue un pouvoir limité, mais réel, assorti de moyens inconnus dans notre pays. Il y a les fidèles de la marque. Il y a aussi la nécessité très variable d’une région à une autre d’adopter des positions politiques en phase avec l’évolution des électeurs. La politique américaine est un marché. Lorsqu’un produit déçoit, on zappe. Savoir si l’embellie économique, peut-être illusoire, est due à la rigueur budgétaire des Représentants Républicains, ou si la relative paralysie présidentielle doit être imputée à leur volonté de blocage excessif, demande une réflexion approfondie à laquelle beaucoup d’électeurs n’ont ni l’envie, ni le temps de se consacrer. Il a déçu, il est zappé.
La situation française est très différente. La marchandisation politique progresse dans un système où les élections nationales sont bi-partisanes en raison du mode de scrutin. L’UMP est, surtout depuis Sarkozy, un parti à l’américaine, qui ne lésine pas sur les moyens du spectacle, qu’aucune idéologie ne définit et qui s’adapte au marché : “recentrage” ou “à droite toute” suivant la météo électorale, avec des variantes dans le temps et dans l’espace. C’est notre parti démocrate. Les socialistes ont du mal à suivre. Ils restent encombrés par une idéologie dont Valls essaie de les délivrer, parce qu’elle s’est révélée une illusion électorale et une calamité gouvernementale. Toutefois, la limitation et le contrôle sourcilleux des financements, la professionnalisation des politiciens déconnectés de la vie réelle, le retour de la proportionnelle déjà présente aux élections locales et européennes, à l’exception des cantonales, sont des éléments qui peuvent écarter la démocratie française d’une évolution à l’américaine. Aux Etats-Unis, la faiblesse des changements éloigne les électeurs d’un spectacle dont ils sont fatigués. Le développement considérable de la démocratie directe, des référendums d’initiative populaire, est le meilleur remède au mal. En France, le fossé qui se creuse entre l’oligarchie politicienne, de plus en plus professionnelle et de moins en moins compétente, comme le montre l’exemple élyséen, et le peuple ne pourra être comblé que par le même moyen, la démocratie directe, inexistante, chez nous. La proportionnelle, en revanche, renforcerait le poids des partis, la professionnalisation et la distance entre les élus et les électeurs. Qui connaît “son” député européen ? M. Lavrilleux n’est à Bruxelles que comme apparatchik de l’UMP. Après l’affaire Bygmalion, il est exclu et ne serait plus élu, non du fait des électeurs, mais parce que le parti l’aurait rayé de la liste.
Si l’on ne veut pas dans nos vieilles démocraties que le peuple finisse par se lasser d’un système, “le plus mauvais, à l’exception de tous les autres”, comme disait Churchill, il y a quatre orientations qui s’imposent : la démocratie directe, l’ancrage politique clair des partis, la déprofessionnalisation de la vie politique par l’obligation d’avoir exercé un vrai métier et la limitation des mandats, la généralisation du vote uninominal. Si les Etats-Unis répondent à certaines de ces exigences, il est navrant de constater que la France a pris le chemin inverse.
3 commentaires
Il y a deux ans, Obama avait assuré la victoire globale des candidats démocrates dans le Montana, le Nebraska et le Dakota du Nord en ayant préalablement veillé à faire annuler la construction du pipeline Keystone XL pour laisser, à dessein, des milliers d’électeurs au chômage.
Malgré ce que les libéraux s’échinent à tenter de se faire croire, l’Amérique n’est pas un bon exemple de réussite, loin de là. S’ils ne relevaient pas régulièrement le plafond de leur dette, s’ils ne monétisaient pas leur dette à court terme, s’ils ne faisaient pas marcher la planche à billet dans des proportions astronomiques, s’ils ne se ilvraient pas à toutes les bidouilles possibles et imaginables (communiqués trompeurs et statistiques maquillées compris), ils auraient fait défaut depuis longtemps déjà. Avec les guerres incessantes qu’ils doivent mener pour maintenir à flot leur secteur privé, c’est à dire la FED, le dollar, les banques “too big to fail”, le complexe militaro-industriel, etc ( à eux seuls, les USA comptent par exemple pour 40% des dépenses mondiales d’armement), le pays, malgré la respiration artificielle sous laquelle il se maintient, est bel et bien au bord de l’implosion.
Comme ils disent là-bas, ce n’est pas une question de ‘si’, c’est une question de ‘quand’.