Un fanatique sunnite s’est fait exploser dans le parc de Gulshan à Lahore au Pakistan. Le bilan est très lourd puisqu’on dénombre 72 morts et 350 blessés. Cet acte criminel atteint les sommets de l’horreur : il a été perpétré près des balançoires où jouaient des enfants accompagnés de leurs mères, comme si le massacre des innocents avait été délibérément voulu. Une organisation musulmane a revendiqué cette action ignoble : le Jamaat-Ut-Ahrar qui a précisé qu’il visait les chrétiens rassemblés en ce jour de Pâques. Une quinzaine de chrétiens ont effectivement trouvé la mort. Les autres sont sans doute des musulmans. 29 enfants ont perdu la vie dans cet attentat doublement inhumain, parce que lâche et absurde.
Le Pakistan n’est pas n’importe quel pays musulman. C’est le pays des “purs”. Lors de l’indépendance de l’Inde britannique, alors que le Mahatma Gandhi voulait préserver l’unité du pays, ce qu’il a d’ailleurs payé de sa vie, le chef de la Ligue Musulmane Ali Jinnah parvenait à réaliser la séparation pour les deux parties majoritairement peuplées de musulmans, à l’ouest et à l’est. Il s’agissait de ne pas accepter un Etat où les musulmans auraient été minoritaires. Le destin de ce pays a été, depuis, une longue tragédie marquée par des coups d’Etat, des assassinats et des exécutions. Le Bangladesh, ex- Pakistan oriental, a conquis sa liberté. Le Pakistan, désormais seul, est le second pays musulman de la planète avec 200 Millions d’habitants, après l’Indonésie à l’histoire et à l’islam moins tourmentés. Ce grand allié des Etats-Unis a aidé les rebelles afghans à chasser les Soviétiques. C’est sur son territoire que vivait Ben Laden lorsqu’un commando américain l’a exécuté. Il possède un arsenal nucléaire depuis 1998 et s’est doté d’une législation islamique après le coup d’Etat du général Zia. Ces deux aspects sont peu rassurants.
Le “pays des purs”, en raison de sa naissance et de son histoire, notamment jalonnée par des guerres avec l’Inde voisine multiconfessionnelle à majorité hindouiste, est marqué par un fanatisme particulièrement exacerbé. Les attentats contre des minorités religieuses mal tolérées y sont fréquents. Les 20% de chiites en sont souvent les victimes : à Quetta les 11 Janvier et 15 Février 2013, 90 et 81 morts, puis le 9 Mars à Karachi. Les chrétiens qui ne sont que 2% de la population avaient eu 17 morts dans des églises de Lahore le 15 Mars 2015. Le terrorisme frappe avec une cruauté spectaculaire : 154 morts dans une école de Peshawar, par exemple. Cet intégrisme islamiste a aussi son pendant institutionnel. Le blasphème est puni de mort. J’avais ainsi multiplié les courriers et les démarches entre 2010 et 2012 auprès de Mme Alliot-Marie(Ma lettre à Michèle Alliot-Marie), d’Alain Juppé et de Nicolas Sarkozy pour qu’ils interviennent afin de sauver Asia Bibi, dont j’avais reçu le mari et la fille à l’Assemblée. Celle-ci avait été condamnée à mort pour avoir osé évoquer Jésus-Christ et Mahomet lorsqu’on l’accusait d’avoir souillé l’eau d’un puits “musulman” en y buvant. Ces démarches sont restées sans effet puisqu’en 2014, elle fut condamnée à mort en appel. Elle croupit en prison depuis 2009 ! Dieu merci, bien des Pakistanais souhaitent changer les choses : le ministre des minorités, Shabhaz Batti et le gouverneur du Penjab Salman Taaser qui avaient pris sa défense ont tous deux été assassinés. L’assassin de ce dernier Mumtal Qadri a été jugé et pendu, tandis que la Cour Suprême suspendait l’exécution d’Asia Bibi. Ce sont précisément ces décisions justes qui ont suscité la fureur des islamistes et précipité leur vengeance contre les chrétiens.
Ce pays nous interpelle. Il est porteur d’un immense danger. Nous devons certes y défendre les minorités opprimées, mais surtout aider ceux qui veulent le faire échapper à une dérive fanatique incompatible non pas avec nos valeurs ou nos institutions , mais avec le minimum de respect de l’humanité. Le prix Nobel de la Paix remis à Malala Yousafzai était un geste symbolique en ce sens, mais on mesure aujourd’hui combien il est insuffisant et déjà oublié.