L’équipe de France de football a gagné le match le plus difficile du championnat d’Europe, contre l’Allemagne. Jusqu’à présent, le parcours avait été facilité par des adversaires peu dangereux tandis que les formations les plus redoutables s’éliminaient entre elles. Certes l’Allemagne n’a pu aligner quelques blessés, mais elle n’avait plus été battue par la France depuis les années 1950. Cette victoire française donne de grandes chances de décrocher le titre face au Portugal. Si tel est le cas, on assistera une nouvelle fois à une explosion de joie dans les rues de nos villes. Les drapeaux seront sortis. Cet enthousiasme patriotique, cette exubérance populaire ne doivent pas être méprisés. Que beaucoup de Français soient encore capables d’exprimer une fierté nationale n’est pas anodin. On aimerait seulement que ce ne soit pas l’arbre qui cache la forêt.
Or, il faut raison garder. Ce succès n’est pas réel, il est symbolique. Un symbole possède deux significations : en remplaçant une réalité, il peut exprimer celle-ci ou cacher son absence. Le drapeau symbolise la présence de la France. Un acte symbolique peut aussi cacher l’impuissance dans laquelle on se trouve d’accomplir une action efficace. Notre pays a retenu toute une série de défenses héroïques, de gestes généreux qui devaient compenser dans l’esprit des élèves notamment le fait que l’exploit mis en exergue avait surtout pour but de faire oublier ou au moins de minimiser le désastre dont il n’était qu’un détail. “La garde se meurt, mais ne se rend pas”, certes, mais de ce jour, la France n’a plus été la première puissance européenne.
Lorsque 11 joueurs représentant un pays affrontent 11 joueurs qui en représentent un autre, la réalité des nations est absente. Il s’agit d’un jeu où des symboles s’opposent selon des règles dont la première est l’égalité des chances. Une lecture avantageuse peut rapprocher ces joutes de celles des chevaliers désignés pour vider la querelle de leurs suzerains à la place des armées de ceux-ci. Lorsque la France bat l’Allemagne, sur un terrain de football, c’est agréable pour les Français et finalement peu coûteux pour les deux pays. Ce remplacement de la guerre par le sport est l’origine des Jeux Olympiques.
En revanche, le risque existe de voir cette substitution se transformer en illusion, devenir une compensation trompeuse de la réalité. On connaît la célèbre formule de Marx sur la “religion, opium du peuple”. Il faut craindre que le football soit l’opium de notre “civilisation”, une manière d’occulter la grisaille du réel. D’une part, les 11 joueurs mettent à égalité des pays qui ne sont pas égaux. La cohésion d’une équipe de pays modeste peut même triompher des grandes formations affichant trop de vedettes. Lorsque la technique de ces champions l’emporte, on peut alors remarquer que leurs liens avec “leur” pays est ténu puisque beaucoup jouent dans des clubs étrangers. Autrement dit, lorsque la France gagne, ce n’est pas la France. C’est une victoire de substitution. Les cris de joie et les concerts de Klaxons, c’est beaucoup de bruit pour rien.
Enfin, le danger le plus funeste réside dans l’oubli du réel auquel l’euphorie d’un soir peut conduire. Les drapeaux aux fenêtres sont plus nombreux pour l’Euro 2016 que pour les attentats de 2015. Or les vrais combats de la France ne se situent pas sur des terrains de football. Il s’agit de la lutte contre le terrorisme et contre l’islamisme conquérant. Il s’agit aussi de la compétition économique. Il est plus important de gagner les guerres qu’on ne peut éviter que les matchs de football, et il serait préférable d’être plus compétitif que l’Allemagne sur le terrain de l’économie plutôt que sur celui du ballon rond.
5 commentaires
En effet, bien que l’un n’empêche pas l’autre, malheureusement ce n’est pas le cas.
Imaginons que demain la France batte l’Allemagne sur le terrain de la réduction du chômage, de la performance économique et de l’efficacité contre le terrorisme, où seront nos ” hystériques” du drapeau ?
A priori, le mirage Allemand s’estompe. Une démographie en berne et une industrie vieillotte qui fait leur fierté mais dont on peut raisonnablement penser que demain l’Asie aura copiée et dépassée.
Notre problème Français me semble plus relever d’un état d’esprit désastreux, puisque pessimiste et globalement défaitiste. On se plaint de la lourdeur de l’Europe que dire de notre administration et de son code du travail en particulier.
La victoire des bleus a un côté sympathique, notamment lorsque l’on observe le saisissant contraste entre les supporter Russes ou Anglais et ceux des autres nations, Islandais, Gallois ou Irlandais qui ont rendu le foot sympathique à de nombreux néophytes. C’est une vraie valeur qui rend ce fameux « vivre ensemble » un peu plus crédible. Ce n’est pas dommage. Goûtons notre plaisir. Je ne suis pas un aficionado du foot lui préférant l’état d’esprit du rugby comme les valeurs que ce sport véhicule. S’il y a osmose, ne nous en plaignons pas.
A propos de mirage, je tiens à signaler que la patrouille de France est censée traverser l’espace aérien tourquennois à l’occasion de la fête nationale ce qui revient à dire qu’une alouette en service au-dessus de la Manche survolera probablement la girouette pour laquelle avaient voté une majorité d’électeurs, en Mars 2014 à Tourcoing.
Parlons-en de la Patrouille de France….comment peut-on encore faire du “cirque” alors que les crédits manquent pour faire la guerre ?
Je sais pourquoi le coq est l’emblème de notre pays,c’est le seul volatile , qui, les deux pieds dans le fumier est encore capable de ramener sa grande g….
Le football est un spectacle, un produit d’appel pour accroître les recettes publicitaires des media; en 2004, la Grèce avait remporté le championnat d’Europe des Nations quelques semaines avant les jeux olympiques d’Athènes. La combine se sera répétée avec la victoire du Portugal en 2016. Quant aux Jeux londoniens de 2012, ils avaient été exemptés de produit d’appel compte tenu du nombre de locuteurs anglo-saxons dans le monde.