Les troupes gouvernementales syriennes ont repris le contrôle d’une grande partie du secteur d’Alep occupé par les rebelles, notamment l’un des plus grands quartiers de la ville qui l’était depuis 2012. Si cette avancée se poursuit en libérant la dernière poche de résistance au sud-est, le rétablissement de l’ordre légal sur la totalité de la ville signera la plus grande victoire de Damas contre les insurgés. Notre triste “Ayrault” a traduit l’affolement des occidentaux qui mènent depuis 2011 en Syrie une politique incohérente et criminelle. Il a précipité une réunion à l’ONU des pays qui ne veulent pas la guerre totale. L’objectif est d’exercer une pression morale sur Bachar Al Assad et ses alliés russes et iraniens pour sauvegarder le réduit rebelle d’Alep et préserver l’idée d’une éviction du Président syrien dont le pouvoir ne cesse pourtant d’être renforcé sur le terrain. Le dictateur turc dont l’armée a pénétré illégalement sur le territoire syrien pour combattre les Kurdes en a profité pour justifier cette intervention par la volonté de renverser le Président syrien. Si sa déclaration était sincère, le risque d’un affrontement avec la Russie serait considérable. En pleine transition présidentielle américaine, il est difficile d’imaginer la Turquie s’affranchir d’un soutien américain qui ne lui est pas acquis. Plutôt que de viser Assad réellement, il est possible que ce chevalier blanc tardif ne cache l’habituel Chef d’Etat sournois qui aide la rébellion sous toutes ses formes depuis le début d’une guerre à l’origine de laquelle il n’est pas étranger et qui, aujourd’hui, est surtout préoccupé par les Kurdes. Le matamore contre Assad masquera le bourreau des Kurdes.
L’aspect le plus inquiétant des nouvelles qui nous parviennent des opérations menées en Syrie réside dans la désinformation systématique qui les caractérise. Il est troublant de constater que dans nos démocraties qui ont choisi des options particulièrement contestables au Proche et Moyen-Orient, la grande majorité des médias déforment volontairement la réalité. On apprend par exemple que le “Maire d’Alep” lance un appel. Ce n’est en fait qu’un “Président du conseil” des quartiers Est, dépourvu de toute légitimité authentique. Mais cela renforce l’illusion entretenue que c’est toute une ville, “la” ville, qui est assiégée, alors que la plus grande partie est demeurée fidèle au gouvernement avec plus d’un million d’habitants quand on parle de 250 000 civils à Alep-Est. On observera d’ailleurs que ces derniers chiffres sont encore employés, alors qu’on évoque la fuite de plusieurs dizaines de milliers de personnes hors des quartiers libérés par l’armée. La population fuirait devant “les troupes du régime”… L’ennui, c’est que beaucoup fuient les quartiers reconquis pour se réfugier en zone gouvernementale plus calme bien que ses habitants soient touchés à l’aveuglette par les tirs rebelles. Sans doute les tireurs sont-ils de méchants djihadistes , et non des braves combattants “modérés”, comme si la distinction était claire entre les groupes islamistes qui constituent l’essentiel de la rébellion. Le changement de nom n’empêche pas de savoir qu’Al-Nosra devenu Jabhat Fatah-Al-Sham est un avatar d’Al-Qaïda, qu’ Alep-Est était tenu au moins en partie par des groupes terroristes, et que ce sont eux que l’Occident, ses alliés du Golfe et de Turquie, ont armés et soutenus, et qu’ils tentent de sauver pour des raisons “humanitaires”. La réalité, c’est que le “régime” a derrière lui une part importante du peuple, constituée par les nationalistes du parti Baas et par la plupart des minorités qui n’ont nulle envie d’être soumises à la loi religieuse d’un sunnisme archaïque. L’appui apporté par la Russie, l’Iran, et les chiites d’Irak et du Liban au gouvernement légal rend très hypothétique son renversement. On peut s’interroger sur les raisons obscures qui font regretter à certains, notamment le pouvoir français actuel, de ne pas avoir détruit l’armée syrienne avant l’intervention russe. La leçon libyenne n’a pas suffi… Sont-ils idiots ou y a-t-il des motifs moins avouables ?
Le déferlement de nouvelles fausses et d’images suggestives entretient une vision westernienne d’une guerre civile qui n’est pas sans rappeler celle qui a frappé l’Espagne entre 1936 et 1939. Il y a les bons “rebelles” et les méchants “du régime”. Les gentils sont ceux que soutient l’Occident, mais aussi la Turquie, le Qatar et l’Arabie Saoudite, ce qui laisse planer un doute sur la qualité démocratique de la coalition. Les affreux sont les loyalistes et leurs complices russe et iranien. Là-aussi le conflit a pris une dimension internationale. De nombreux étrangers se battent dans les deux camps. Les démocraties étant moins libres d’intervenir sont également en train de perdre la partie. Evidemment, cette comparaison n’est qu’apparente puisqu’en Espagne, les rebelles étaient les franquistes, et que le soutien au régime “républicain” a été mesuré. En Syrie, Vladimir Poutine intervient à la demande du gouvernement légal alors que les ingérences étrangères en faveur des rebelles sont une atteinte à la souveraineté de la Syrie. Cette situation souligne la confusion que le prétendu droit d’ingérence a jeté dans le monde. Il faut aujourd’hui prendre conscience des erreurs voire des mensonges véhiculés par les propagandistes de “ce” droit. Il se sont trompés et ils nous ont trompés. Il est temps que les médias qui leur ouvrent leurs colonnes ou leurs micros soient plus circonspects face au risque de perdre toute crédibilité. Fin Septembre, BHL publiait un bloc-notes délirant dans Le Point. Il y parle des “modérés” qui tiennent une partie d’Alep, du “meurtre programmé d’une ville”. Il accuse les bombardements de viser prioritairement “les convois humanitaires et les hôpitaux”. Amnésique, il regrette qu’on n’ait pas fait subir le même sort à Assad qu’à Kadhafi. Enfin, il ne manque pas le point Godwin en comparant la participation de l’aviation russe à celle de la Légion Condor à Guernica. Le lyrisme du propos ne fait que renforcer l’impression d’un parti-pris superficiel qui a droit à des moyens d’expression surdimensionnés.
Un jour viendra où l’on mesurera le caractère absurde, voire criminel, de la politique américaine menée par les deux derniers présidents. Il importe aujourd’hui que les populations arabes soient délivrées de la guerre et du terrorisme, c’est-à-dire aussi du salafisme qui le nourrit. La solution passe évidemment par le soutien aux régimes nationalistes laïcs, au pouvoir au Caire et à Damas. C’était l’un de ceux-là qui avait établi la paix entre l’Egypte et Israël.
Un commentaire
J’ai dégusté en retard ce billet éclairant . Tu dis la vérité . Merci Christian .