“Ni rire, ni pleurer, ni haïr, mais comprendre” (Spinoza)
L’actualité mondiale vit un de ces moments où la réflexion, la raison, l’esprit critique sont écrasés sous le rouleau compresseur d’une “information” à sens unique. La pensée se voit contrainte d’obéir à l’impératif comminatoire du conformisme. Hors de ce sentier éclairé par la bonne conscience, où règnent l’indignation vertueuse à distance et l’empathie éplorée, les âmes perdues errent, poursuivies par la réprobation universelle, entourées du halo nauséabond de leurs idées abjectes et condamnées au plus douloureux des repentirs : l’acte de contrition publique, l’abjuration humiliante devant le tribunal de l’inquisition médiatique. Avant d’être élu et de participer pleinement au débat politique, j’enseignais la philosophie. Cet enseignement arrive en classe terminale pour couronner la formation par la capacité d’exercer sa raison de manière autonome. Cela ne conduit pas nécessairement à l’individualisme, au relativisme, voire au nihilisme car un esprit autonome peut parfaitement se libérer de ces opinions superficielles dès lors qu’on cherche à les lui imposer de manière insistante. La fausse évidence ressassée sans preuve, le confort psychologique du point de vue partagé par la foule passive, doivent éveiller le soupçon, susciter la réticence, engager la résistance. La critique de l’information, son passage au crible de la raison sont des cures salutaires, même si elles sont parfois douloureuses tant prendre une route dans le sens contraire de celui de la masse guidée par la majorité des médias se révèle une entreprise périlleuse pour ne pas dire suicidaire. J’ai connu ce risque lorsque j’ai combattu les revendications du groupe de pression homosexualiste, le “lobby gay. L’absurdité de ses propositions, les mensonges éhontés que la majorité des médias convertis à la cause diffusaient, ont joué dans mon opposition un plus grand rôle que la volonté d’imposer mes valeurs morales ou religieuses. Si j’adhère à celles-ci, c’est justement parce qu’elles sont raisonnables. Benoît XVI ne cessait de le rappeler.
De la même façon, il n’est pas facile de paraître défendre le “régime” de Bachar Al-Assad et la Russie de Vladimir Poutine que la plupart des médias, et notamment ceux de prétendu service public d’information, désignent comme les coupables de “l’agonie” d’Alep. Il faut vraiment être un sale type pour soutenir la thèse contraire. Justement, c’est cette quasi-unanimité qui doit éveiller le doute et inviter à démonter le mécanisme. On remarque d’abord que l’actualité n’a en soi que peu de signification si on ne sort pas de la cage vociférante du présent. Il faut le voir de plus haut, se rendre compte que les images sélectionnées, les vidéos transmises ne reflètent pas toute la réalité mais peuvent au contraire la déformer. De même les mots employés pour la décrire peuvent induire des jugements, des partis pris. La confrontation des images et des mots est donc nécessaire. Tout point de vue unilatéral est suspect. Ainsi, la photographie d’un enfant blessé, les “informations” données par un prétendu “Observatoire Syrien des Droits de l’Homme” situé en Angleterre, les allégations du “Maire d’Alep”, les rumeurs d’exécutions sommaires peuvent être corrigées par la recherche et la réflexion. L’agonie d’Alep présentée comme la fin de la résistance d’une ville est une imposture. La plus grande partie de la ville et de ses habitants n’a jamais été occupée par les rebelles. La défaite de ces derniers y a déclenché la ferveur populaire. C’est la télévision syrienne, tout au moins qui le montre. Il faut imaginer quelle serait actuellement l’opinion de la majorité des Français si leur information n’avait bénéficié que de cette provenance. Les tirs d’artillerie des rebelles ont aussi tué des enfants à Alep Ouest. La rébellion, c’est encore cette fillette de neuf ans qui se fait exploser dans un commissariat de Damas. Les exécutions de soldats syriens par les djihadistes ont été nombreuses. Celui que “Libération” présente comme le “Maire d’Alep” n’est que le président d’un conseil d’Alep-Est qui n’a pas la moindre légitimité. Enfin, la situation sur le terrain est d’une complexité telle qu’il est malhonnête de vouloir opposer les vertueux insurgés aux criminels suppôts du “régime”. Ces derniers sont des membres de l’armée régulière, mais aussi des militants de nombreuses milices syriennes ou étrangères, notamment chiites, formées et équipées par l’Iran. Le cessez-le-feu et l’évacuation, des habitants comme des rebelles, obtenus par Moscou et Ankara, sont compromis par les miliciens chiites, sans doute parce que l’Iran est jaloux du rapprochement russo-turc, mais plus concrètement parce que les chiites souhaitent qu’en contrepartie, deux villages de cette minorité, Foua et Kefraya, encerclés par des rebelles sunnites, soient également évacués.
L’émotion et l’indignation sélectives pointent leurs doigts vers Vladimir Poutine, l’auteur coupable de ce désastre humanitaire. C’est ainsi qu’Obama et son “Echo” français, François Hollande présentent les choses. Le Président en fin de parcours ne décolère pas d’avoir manqué sa guerre, en 2012. Obama en est même obligé de s’excuser, et redouble d’agressivité envers le Président russe qui ressemble désormais à ces personnages des fictions américaines, ces “grands méchants” à l’origine de toutes les menaces sur la paix du monde. Non content de présider au dopage de ses athlètes, il influencerait même les élections et ne serait pas étranger à la victoire de Trump, du même coup quelque peu délégitimé. En fait, désavoués indirectement par un électorat qui condamne leur bilan, les deux Chefs d’Etat occidentaux cherchent à échapper à une sortie totalement ratée. Là encore, il faut s’évader du présent et remonter à la source. L’intervention militaire en Syrie aurait été une catastrophe pour l’ensemble du territoire et du peuple syriens, mais aussi un risque de conflagration mondiale. L’exemple des chaos libyen ou irakien montre suffisamment les conséquences des interventions. En Syrie, ni la Russie, ni l’Iran n’auraient pu demeurer inertes. L’appui systématique des Américains accordé aux islamistes, sur le plan militaire d’abord contre l’URSS, qui était compréhensible, puis contre la Russie et ses alliés, ce qui l’est beaucoup moins, est la racine du mal. En désignant la Russie et non l’islamisme comme l’ennemi des démocraties occidentales, les Etats-Unis ont commis la faute initiale. En croyant l’islam capable d’instaurer la démocratie sur les décombres des dictatures nationalistes arabes, Obama a fait preuve d’un total aveuglement. Son agitation actuelle est le fruit de son échec et de la prise de conscience de celui-ci.
Devant une de ces tragédies historiques dont les peuples sont les victimes, il est malvenu de distribuer les bons et les mauvais points. Il est en revanche possible en réfléchissant de discerner qui a la plus grande part de responsabilité dans les guerres actuelles et de répondre que c’est un “prix Nobel de la paix” adulé par des médias toujours aussi peu clairvoyants !
5 commentaires
Tout le monde sait bien qu’il n’y a pas de guerre propre et que la propagande existe en particulier en temps de guerre. Le commun des mortels que nous sommes essayent d’y voir clair avec les informations que nous arrivons à obtenir par les médias officiels et alternatifs.
Il est évident que les médias officiels sont une composante de la propagande. Mais contre l’évidence même, on essaie de nous faire passer les rebelles pour des combattants de la vertu et du bien alors que ce sont des islamistes.
Obama et Hollande ne se trompent pas ; ils refusent de voir. Ils bénéficient des informations des services de renseignement et sont parfaitement au courant de la réalité des événements.
C’est par pure idéologie qu’ils agissent. Ils savent aussi qu’ils ont perdu la partie au Moyen Orient. La libération d’Alep restera un événement clef dans la redistribution des influences dans cette zone et marquera d’une pierre blanche le fiasco de la politique étrangère américaine et française.
Obama et Hollande ont une relation sentimentale avec l’islam. Poutine cherche l’intérêt de la Russie et a donc une relation rationnelle.
« Une certaine colère puérile est le signe ordinaire de l’idéologie déçue et qui trépigne parce que les faits dérangent le système. »
Jacques BAINVILLE : Réflexions sur la politique – Éditions DISMAS.
@ Ribus:
Comme l’avaient écrit Sun Tzu ou encore Clausewitz, les guerres sont essentiellement économiques. C’est pour cela qu’en Mai 1941, Darlan avait mis à disposition des troupes germano-italiennes de Lybie la voie ferrée pétrolifère qui reliait Gabès à Bizerte. Il existe, en-dessous de la mer Caspienne, un important gisement de pétrole dont l’extension méridionale expliquerait qu’un projet de redécoupage territorial irako-syrien eût déjà été élaboré dans le secret des cabinets ministériels et Robert Hunter Biden, qui dirige en partie l’entreprise ukrainienne Burisma, a certainement un avis éclairé sur la sécession de la Crimée… Quant aux media français, ils passent tout cela sous silence et nous présentent même la guerre en Syrie comme un duel entre Rambo et le Tsar Poutine !