Les Chinois aiment les images et les animaux y jouent un grand rôle. On se souvient du chat qui attrape les souris, comme métaphore du passage au capitalisme de l’économie chinoise, choisie par Deng Xiaoping. L’idée que le chat est devenu un énorme tigre et que nous sommes les souris ou les dindons qui lui serviront de nourriture n’est peut-être pas un fantasme. Le Président français est allé en Chine avec un cadeau vivant, un cheval de la Garde républicaine. La Chine nous avait “offert” un couple de pandas géants en 2012. Le symbolisme est intéressant. Le Panda est le symbole du pays, un trésor national, qui traduit les sentiments de paix et d’amitié dans les relations diplomatiques. Il n’aurait guère été convenable de n’offrir qu’un coq. Mais un cheval militaire est un animal utile, dressé, alors que le panda est avant tout joli et craquant. On a échangé un savoir-faire remarquable contre un spectacle qui éveille l’émotion. Qui plus est, Vésuve de Brékka est un don quand les deux pandas de Beauval, et le petit qui vient de naître, respectivement, Yuan Zi, le père, Huan Huan, la mère, et Yuan Meng, “l’accomplissement d’un rêve” qui vient de recevoir ce nom poétique, dans le cadre de la mise en scène et en valeur de Mme Macron, ne sont que des prêts de Pékin qui en demeure propriétaire. Dans trois ans, le nouveau-né regagnera déjà son pays d’origine. Les pandas sont une espèce survivante et menacée dont la Chine entend se réserver la préservation. La paix, l’amitié, et la protection de la nature et de la biodiversité : quelle séduisante carte de visite pour une dictature, bâtie sur une implacable terreur, dont le régime actuel n’a en rien désavoué le fondateur, Mao Dsédong ! Dans le Livre Noir du Communisme, dirigé par Stéphane Courtois, voici ce qu’on peut lire : “les estimations sérieuses amènent à évoquer 6 à 10 millions de victimes directes, y compris des centaines de milliers de Tibétains ; en outre, des dizaines de millions de “contre-révolutionnaires” passèrent une longue période de leur vie dans le système pénitentiaire et 20 millions peut-être y périrent… plus encore… 20 à 43 millions de “morts en trop” des années 1959-1961, ceux du bien mal nommé “Grand Bond en avant”. Certes, les massacres ont cessé et les dirigeants actuels, comme Xi Jinping lui-même, sont souvent les enfants des victimes de la “Révolution Culturelle” tant vantée par nos crétins de 1968 qui peuplent encore les allées des pouvoirs politique, universitaire et médiatique français. Mais la Chine est un régime communiste, totalitaire, celui qui a soutenu Pol Pot au Cambodge et soutient toujours la dynastie des Kim en Corée du Nord. Ce n’est pas une démocratie, mais un Etat où un parti unique permet à une oligarchie de régner sans partage directement sur la politique, indirectement sur l’économie, avec l’intelligence que seules possèdent les vieilles civilisations, maniant la diplomatie alternée de la ruse et de la force, et menant une expansion nationaliste par des moyens économiques ou militaires suivant les cas. Occupation du Tibet, et après une courte guerre remportée, d’une partie de l’Inde, l’Aksai Chin et la vallée de Shaksgam, revendications agressives sur des îles de la mer de Chine, sont des signes qui montrent l’ambivalence de la politique chinoise, apparemment prudente et équilibrée, mais n’ayant aucun scrupule à agresser un voisin, lorsque la situation rend la chose possible. Avec 140 Milliards de dépenses militaires et 7% d’augmentation l’année dernière, la Chine est seconde derrière les Etats-Unis.
Savoir-faire contre spectacle, don contre prêt, l’échange est-il équilibré ? David Baverez, investisseur français basé à Hong-Kong, dans “Paris Pékin Express” souhaitait ce voyage, mais invitait à la prudence pour ne pas se faire “baiser”. M. Macron a évité les sujets qui fâchent, comme le Tibet ou les droits de l’Homme. A une certaine taille, un pays ne peut être réduit à ces considérations subalternes. Notre déficit commercial avec la Chine est de 30 Milliards quand l’Allemagne connaît un excédent de 20 Milliards avec ce pays. Certes, des contrats ont été signés , des discussions entamées ou poursuivies, dans le nucléaire par Areva et EDF ou dans l’aéronautique par Airbus. Mais, quels seront les gains pour notre industrie en termes d’emplois en France et quels seront les risques de transferts de technologie ? Bruno Le Maire a évoqué peu diplomatiquement les investissements de pillage des capitaux chinois en France. La visite du Président français s’est faite en trompe-l’oeil. Il a été invité à visiter symboliquement, Xi’an, le lieu de départ des “Routes de la soie”. Cet hommage au prodigieux passé chinois est aussi une invitation à soutenir les nouvelles routes de la soie, ce projet gigantesque de la Chine actuelle associant 65 pays et financé par 1000 Milliards de dollars d’investissements. L’Atelier du monde est ambitieux, il prend possession d’infrastructures portuaires et de ressources du sol et du sous-sol en Afrique, en Asie et en Europe, mais tandis que les mains travaillent, le sourire apaise : la Chine industrielle et pollueuse va s’inscrire positivement dans la lutte contre le réchauffement climatique aux côtés de M. Macron. Cela améliore son image et la comparaison avec les Etats-Unis de Donald Trump est opportune. Routes de la soie contre écologie, réalité contre image : Emmanuel Macron y trouve le compte de son ambition. Profitant du Brexit et des difficultés de Mme Merkel à construire une majorité, son ego continental a pu parler à Pékin du partenariat européo-chinois. Mais contrairement à Trump, Xi Jinping ne l’a pas accompagné lors de la visite de la Cité Interdite. Il y a des coqs qui croient parfois qu’ils font se lever le soleil.
2 commentaires
C’est pas “bête” comme analyse…
La Chine a surtout besoin d’oléoducs et de derricks pour étendre son réseau ferroviaire sur lequel circulent des locomotives américaines fonctionnant au diesel mais comme Emmanuel Macron avait naguère accepté la cession de Technip à des Nord-Américains, alors cet ancien ministre grand-guignolesque de François Hollande aura déjà lésé des intérêts français dans deux pays auto-suffisants en pétrole.