Le rapport de mission USA du Haut Comité Français pour la Défense Civile vient de me parvenir. Il établit un bilan du déplacement que nous avons effectué du 6 au 10 juillet à Washington DC.
C’est pour moi l’occasion de souligner la qualité du travail accompli par le Haut Comité sous la présidence de Paul GIROD, évidente à travers la planification et la densité de ce voyage d’études organisé par le Délégué général, Christian SOMMADE.
Pour ma part, j’en retiens trois leçons. D’abord, pourquoi le cacher ? Une vive sympathie à l’égard des Etats-Unis après deux visites récentes, l’une en Californie et Arizona, et l’autre dans la capitale fédérale. A travers son extraordinaire diversité, on ne peut qu’être frappé par un caractère commun qui se dégage des rencontres, que ce soit à Phoenix, avec le Président de l’Université de l’Etat d’Arizona, ou à Washington avec les responsables de l’Institute for National Strategic Studies : pour un français, formé à l’esprit critique et bien souvent englué dans le scepticisme, le discours américain est libérateur parce qu’il allie optimisme et certitude sur les objectifs, méthode et rigueur sur les moyens. Il faut d’ailleurs bien reconnaître que la sympathie paraissait très réciproque et que l’attitude du Président Sarkozy à l’égard des Etats-Unis, notamment dans le cadre de l’OTAN n’y est sans doute pas étrangère.
Cette évolution positive a été soulignée par notre ambassadeur Pierre VILMONT lorsqu’il nous a reçus dans sa prestigieuse résidence.
En second lieu, l’idée que la question essentielle de nos sociétés se situe dans le point d’équilibre à trouver entre la liberté et l’autorité. La première est inventive, dans l’ambiance du « fouillis créatif » cher aux universités californiennes, à l’interdisciplinarité revendiquée, mais elle peut être aussi destructrice et angoissante. La seconde protège mais elle peut inhiber, et préférer le « ils » faussement rassurant, ou accusateur, au « nous » constructif ou au « je » responsable. Les Etats-Unis offrent le spectacle d’une recherche constante de ce point d’équilibre. C’est ainsi que les responsables américains visent en permanence à concilier la puissante tradition des libertés locales, celles des Etats, celles des Comtés, ou des Municipalités avec les exigences parfois brutales de la sécurité. C’est la question de cette quête difficile que je posais à Franck CILUFFO, du think tank « Homeland Security Policy Institute » basé à l’Université George Washington. Les Etats-Unis sont souvent pris en défaut de maîtrise en face des catastrophes, comme le 11 septembre ou le cyclone Katrina, et se voient obligés de créer, après coup, une agence ou un département fédéral pour pallier les insuffisances rencontrées. La réponse de M. CILUFFO a été éclairante. D’abord, lucide sur la faiblesse, lorsqu’il a évoqué la rupture de la chaîne de commandement pour Katrina, il a, bien sûr, souligné la mise en place du « National Response Framework » qui précise les relations entre les différentes autorités et permet l’intervention de l’Etat Fédéral avant même la demande du Gouverneur de l’Etat. Mais surtout, il a martelé le principe suivant lequel « la qualité des hommes est la clé ». En écoutant cet universitaire qui a travaillé à la Maison Blanche, après le 11 septembre, c’est-à-dire avec le Président BUSH, je me remémorais le discours du président OBAMA, le 6 juin à Colleville-sur-Mer : « En fin de compte, le destin de l’humanité n’est pas déterminé par des forces hors de notre contrôle… Cela a toujours dépendu de nous ». Belle leçon aux politiques français et à leur fascination pour les sciences humaines et leurs multiples déterminismes. Cette réflexion sur le rôle des différentes strates d’autorité politique, sur la nécessaire synthèse entre leur degré d’autonomie et le besoin indispensable de cohérence est, malgré la distance considérable entre les deux systèmes, particulièrement bienvenue au moment où la France aborde la redoutable question de l’organisation des collectivités territoriales. En revanche, il faut noter que dans toutes les discussions les américains associent toujours parmi les partenaires légitimes de l’Etat, non seulement les pouvoirs locaux, mais aussi les responsables économiques. C’est là une grande différence avec notre approche habituelle, mais que nous aurions sans doute intérêt à réduire.
Enfin, le but de ces rencontres réside avant tout dans l’échange comparatif. L’axe essentiel de notre démarche reposait sur la gestion des crises, le plus souvent traitée à travers la menace de la pandémie grippale, notamment lors des séances de travail à la FEMA (Federal Emergency Management Agency) maintenant intégrée au Departement of Homeland Security « ministère » global de la sécurité, créé après le 11 septembre, ou encore à la National Defence University dans le cadre de l’Institute for National Strategic Studies. Faut-il fermer les frontières ? Multiplier les quarantaines ? Mauvaises pioches, évidemment ! Faut-il privilégier l’information du public, notamment en matière d’hygiène et de transmission ? Comment peut-on faire face aux besoins de masques ou de vaccins ? Quelles sont les catégories de population à protéger prioritairement ? Bonnes questions dont les réponses ne sont pas forcément les mêmes de part et d’autre de l’Atlantique. Les Etats-Unis mettent peu l’accent sur les masques, par exemple. Mesurer l’impact en amont de la pandémie sur le fonctionnement de l’économie : question cruciale, essentielle là-bas, mais finalement assez peu évoquée chez nous.
D’autres enseignements encore. La rencontre de parlementaires français avec un Sénateur américain, en l’occurrence Joe LIBERMANN, (Connecticut) dans les vastes locaux qu’il occupe, avec ses 60 collaborateurs au Congrès, suscite chez les premiers beaucoup d’humilité. Elle leur permet de prendre conscience du fait que contrairement à l’apparence, c’est le régime présidentiel qui accorde le plus d’importance au Parlement. C’est en effet dans ce type de régime qu’existe une véritable coproduction non seulement de la loi mais aussi de la politique d’un pays. Celle qu’évoque parfois Jean-François COPÉ, à la suite de la réforme constitutionnelle de 2008 n’est qu’un leurre.
J’ai également été impressionné par les centres opérationnels mis en place aux Etats-Unis pour répondre aux crises et aux situations d’urgence. Non seulement leur ampleur, leurs performances techniques et leur synergie n’ont pas d’équivalent chez nous, mais encore il nous en manque dans certains domaines. Comme le souligne le rapport du Haut Comité Français pour la Défense Civile, « il n’existe en France aucun équivalent du National Infrastructure Coordinating Center, chargé de l’observation, de l’analyse, et de la gestion des perturbations majeures sur les infrastructures critiques ». C’est une faille dont il faudrait se préoccuper.
Une visite m’a particulièrement marqué, celle du Centre d’Appel 911 qui regroupe tous les appels d’urgence (Pompiers, SAMU, Police). Deux enseignements : la durée d’attente est de 5 secondes. Nous en sommes très loin pour le 17 de la police à Lille, par exemple. Qui a installé ce centre sur le plan technique ? EADS… C’est à la fois inquiétant et rassurant, puisque cela montre ce dont la France est capable, ce qu’elle n’a pas encore réalisé, et qu’elle pourrait mieux que d’autres mener à bien.