“Il n’y a qu’une fatalité, celle des peuples qui n’ont plus assez de forces pour se tenir debout et qui se couchent pour mourir. Le destin d’une nation se gagne chaque jour contre les causes internes et externes de destruction.”
Cette citation du Général de Gaulle prend toute sa vigueur un 18 Juin. Ce jour-là, en 1940, de Gaulle était bien l’un des seuls à ne pas vouloir se coucher, et le seul à incarner la France debout. Certes, beaucoup refusaient la soumission à l’Allemagne nazie, mais sans avoir ni la vision, ni la position qui allaient transformer la volonté en réalité. Les jeunes Robert Galley ou Yves Guéna prenaient la route puis la mer pour continuer le combat avec l’Angleterre, plusieurs personnalités en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, et jusqu’au Brésil n’acceptaient pas le caractère inexorable de la défaite, d’autres encore voyaient en Pétain l’occasion d’un répit qui permettrait de préparer le redressement du pays, mais le seul qui élevait ces sentiments jusqu’à en faire un objectif et une stratégie s’appelait de Gaulle. C’était chez lui d’abord l’expression d’une philosophie largement inspirée par Bergson, une philosophie de la vie en lutte permanente contre la mort. Une nation est un être vivant au sein duquel s’opposent les forces de l’énergie créatrice et les germes de dissolution. Les “héros”, les hommes qui font l’histoire en surmontant la fatalité, en brisant, ne serait-ce que pour un temps, un destin qui paraissait inexorable ne sont pas les agents du sens de l’histoire, mais au contraire ceux qui parviennent à le détourner.
Bien sûr, cette résistance au cours de l’histoire n’est jamais absolue. Elle ressemble à la navigation quand elle utilisait le vent sans jamais l’affronter de face. De Gaulle a résisté à l’Allemagne nazie parce qu’il savait que ses forces n’étaient pas supérieures à celles du monde libre, parce que sa connaissance de l’histoire lui enseignait que l’Empire de la Mer l’emporte presque toujours sur celui de la Terre. Vingt ans plus tard, il ne résista pas à la marée descendante de la décolonisation parce que la France face au monde entier n’en avait pas les moyens. La manière dont il le fit, avec la brutalité qu’exigeait la brièveté du temps qu’il lui restait pour redresser le pays, a laissé des traces, donnant l’impression que la France pouvait se coucher, désespérant les plus patriotes, et délivrant toute une jeunesse, celle de 1968 de ses obligations envers la Nation. Mais le message de 1940 demeure, lui, intact. Certes, l’Allemagne pouvait gagner la guerre : à l’époque, il ne lui restait qu’un ennemi, l’Angleterre, et Hitler lui abandonnait bien volontiers les océans dès lors qu’elle lui laissait les mains libres pour conquérir à l’est l’espace vital du grand Reich. Dans ce cas, l’illusion de la “collaboration” se serait vite dissipée. La France, encore réduite au nord et à l’est, dépecée peut-être, serait devenue le parc récréatif de la grande Allemagne. De Gaulle savait cela, et il savait aussi qu’en Angleterre comme aux Etats-Unis les forces opposées à cette évolution étaient suffisantes pour poursuivre la lutte, parce qu’elles s’incarnaient notamment à Londres en un autre briseur de destin, Churchill. Ce qu’il ne savait pas très bien, en revanche, c’est à quel point les dictatures nazie et fasciste étaient conduites par des hommes médiocres qui allaient accumuler les erreurs et lui donner raison autant que les forces productives des Etats-Unis et la ténacité britannique.
Devant la puissance nazie, de Gaulle n’a pas plié le genou. Il a suscité d’abord chez une poignée de patriotes, souvent politiquement très à droite, l’esprit de résistance, puis à mesure que l’Axe multipliait les fautes et les défaites, “l’espoir changea de camp, le combat changea d’âme”, la gauche le rejoignit jusqu’aux communistes, ceux qui avaient suivi Pétain en voyant en lui le sauveur, s’y résignèrent en constatant le désastre d’un pays entièrement occupé et d’une flotte sabordée. La lutte d’une nation restaurée se poursuivait à partir de son Empire. C’est ce que de Gaulle avait voulu en 1940, et que les faux réalistes, les esprits pratiques, bref ceux qui se couchent, avaient refusé. La leçon du 18 Juin est encore puissante de nos jours : elle permet de distinguer les responsables politiques qui défendent l’indépendance et le rang de la France dans le monde, à la mesure de ses moyens face à des pays que leur démographie, leur étendue, le dynamisme de leur économie, et leur capacité militaire placent bien au-dessus du nôtre, ce qui n’était pas le cas en 1940. La France n’a pas perdu la guerre. Elle a perdu quelques batailles en laissant s’effondrer son économie, en minant la cohésion nationale par une immigration suicidaire, en abandonnant son exigence d’excellence dans le domaine de l’éducation. Ceux qui, aujourd’hui demandent à la France de se noyer dans l’Europe et de se dissoudre dans le monde, d’effacer son identité et sa fierté, alors qu’ils ont depuis longtemps contribué à nos défaites ressemblent beaucoup aux collaborateurs de 1940 : c’est le parti de la lâcheté, de la soumission, le parti de l’étranger ! La résistance est plus que jamais à l’ordre du jour.
Un commentaire
100% d’accord avec vous, merci M.Vanneste!