Le changement de gouvernement en Allemagne devrait inspirer la réflexion de la “droite” française, plus exactement du centre-droit qui prétend être la droite avant d’y renoncer lorsqu’on réclame des preuves. L’illusion unilatérale des Français d’imaginer un “couple” franco-allemand se double en effet de l’admiration des politiciens français situés au centre-droit pour la CDU-CSU allemande. Le premier mirage devrait pourtant se dissiper avec le temps. En 1963, la France faisait preuve de générosité et d’intelligence en tendant la main à l’Allemagne, encore engluée dans son effondrement et son indignité après le nazisme. L’Europe des nations se bâtirait autour d’une France redressée et dotée de la puissance nucléaire et d’une Allemagne de l’Ouest redevenue pilier industriel européen. La réunification, la gestion sage des gouvernements allemands de centre-droit et de centre-gauche puis de la grande coalition, tandis que la France alignait les fautes lourdes, les réformes à contre-temps et les déficits systématiques, ont déséquilibré l’attelage : l’Allemagne a distancé la France sur le plan économique, a maintenu bien ouvert le parapluie américain, en se souciant peu de l’ombrelle française qui lui était offerte, a attiré autour d’elle une zone de prospérité et d’influence au sein de l’Euroland et au-delà, a émergé dans la politique internationale en entretenant des relations ambigües avec la Russie qui lui fournit son gaz et avec la Turquie qui la repeuple. Le “couple” franco-allemand est un mythe dont il faut se délivrer.
De même, il faut que la prétendue “droite” française cesse d’avoir les yeux de Chimène pour la “droite” allemande. Certes, celle-ci semble avoir duré, ce dont la droite française s’est montrée incapable. Mais sur les quatre mandats de Mme Merkel comme Chancelière, un seul, le second, avec les Libéraux, se situait vraiment à droite. Les trois autres rassemblaient les Chrétiens-démocrates et les socio-démocrates. Et tout le monde s’est aperçu que Mme Merkel préférait cette alliance à l’autre. C’est sans amertume qu’elle a finalement laissé la place à la gauche à laquelle s’adjoignait le parti libéral. Ces alliances assez peu compréhensibles en France reposent sur deux principes : la primauté de l’économie et la recherche du consensus pragmatique. La priorité de l’intérêt national est au coeur du consensus. Toutefois, la défense de la civilisation et de l’identité allemande ne peuvent être privilégiée. Le poids très lourd du passé interdit de telles préoccupations. L’Allemagne mourra mais comme une vieille dame riche qui lèguera ses biens à sa gouvernante préférée venue d’ailleurs. Déjà le patriotisme constitutionnel l’emporte sur le patriotisme tout court, sauf pour le football, bien sûr.
En 2009, l’UMP saluait la “belle victoire” d’Angela Merkel, reconduite à la chancellerie, estimant que “les citoyens allemands ont fait le choix de l’efficacité et de la cohérence”. Xavier Bertrand, alors secrétaire général, précisait : “Cette réélection est une très bonne nouvelle pour le couple franco-allemand”. Quatre ans plus tard, la “droite” française qui avait été chassée du pouvoir “se” félicitait à nouveau de la reconduction de Mme Merkel, cette fois pourtant alliée au PSD. Celle-ci avait démontré une habileté politique qui faisait envie et gagné la bataille des chiffres avec un chômage à 5,3% , un excédent public de 0,2% et un excédent commercial de 118 Milliards. Elle avait redonné à l’Allemagne sa fierté dénuée d’arrogance, fondée sur le sérieux, la qualité des produits, la prudence internationale, aux antipodes d’un nationalisme frappé d’interdit. Le nain politique était redevenu calmement la première puissance européenne, celle qui donne le “la” à tout l’orchestre. Pendant ce temps, le premier violon français avec son solo discordant faisait rire dans les coulisses. “Mutti” incarnait ce que les Européens vieillissants réclament le plus : la protection. Sa durée et sa popularité étaient exceptionnelles.
Sa gestion de la crise des migrants, en 2015, vint dissiper le malentendu. Favorable à l’immigration, elle en ouvrit les vannes sans mesure sous la pression des images de réfugiés traversant la Méditerranée. Les violences des migrants rendirent les Allemands plus lucides. Madame Merkel est une politicienne habile qui s’adapte aux mouvements d’opinion. Ce n’est pas une femme politique qui a la dimension d’un grand homme d’Etat. Ce dernier doit être capable de défier les courants éphémères pour imposer le choix du Bien Commun à long terme. Les Britanniques avec Churchill avant guerre et Mme Thatcher en 1979 ont connu de tels personnages. Loin de redresser un pays qui s’est fourvoyé, Mme Merkel a reçu un bel héritage qu’elle n’a pas dilapidé. Mais lorsqu’une question difficile a surgi, elle a adopté trop rapidement la solution la plus conforme aux émotions qui parcouraient l’opinion publique … et aux intérêts électoraux de son parti, à court terme. Elle avait déjà tranché brutalement en ce sens après Fukushima, alors que ses chrétiens-démocrates perdaient leur bastion du Bade-Wurtemberg sous la pression des verts. Dans un pays peu enclin à subir tremblements de terre et raz-de-marée, elle avait brusquement accéléré la sortie de la filière électro-nucléaire. Certes, l’accent avait été mis sur les énergies renouvelables, mais les conséquences les plus immédiates ont été le recours au charbon, à la lignite, l’accroissement de la production de gaz à effet de serre (+2% en 2012), l’augmentation du prix de l’électricité. La contradiction entre cette décision intempestive et les déclarations grandiloquentes sur le danger du réchauffement climatique disqualifie tout dirigeant politique.
Sous sa direction, la CDU est restée un parti centriste, trop à gauche selon certains de ses membres, déçus que la chancelière suspende le service militaire obligatoire, décide de sortir du nucléaire, accueille un million de réfugiés et permette de manière hypocrite l’adoption d’une loi sur le mariage homosexuel . La durée et la survie d’un parti au prix des idées qui le fondent ne sont pas un exemple à suivre : la droite française devrait s’inspirer de cette leçon.
3 commentaires
Vous avez tout à fait raison, la “droite” française , républicaine, s’il faut rajouter un qualificatif emphatique, incarnée par LR, n’est en réalité qu’un centre-droit qui passe son temps à courir derrière la gauche pour conserver ses certificats de respectabilité et ses brevets de républicanisme qu’elle lui décerne. Au fond et comme le dit Zemmour, Pécresse qui se veut la tête de proue de cette “droite” républicaine appartient comme Macron au bloc bourgeois centriste soumis aux puissances d’argent qui lui dictent la politique mondialiste à adopter. L’une est libérale-sociale, l’autre social-libéral, bonnet blanc et blanc bonnet! L’attitude de Pécresse est d’ailleurs révélatrice en ce début de campagne électorale: elle reprend les thèmes de l’immigration chers à Zemmour, elle court elle aussi en Arménie…Espérons que les Français ne seront pas dupes de cette supercherie et préférerons l’original à la copie!
@ ERWAN:
La supercherie ou alors l’amateurisme, c’est le voyage récent dans la vallée de la Maurienne du ministre français Joël Giraud qui connaît soi-disant le passé de Modane malgré l’instauration par Emmanuel Macron et ses députés d’un amortissement économique relatif au calcaire jusqu’en fin d’année prochaine; or, Henri Sainte-Claire Deville avait jadis eu besoin du groupe moléculaire carbonate pour faire fondre en exclusivité l’aluminium.
Dans les pays latins, il existe une fascination concernant des politiciennes même si les politiques britanniques de John Major et sa prédécesseure immédiate furent détrônées lorsque les Espagnols découvrirent dans leurs gisements americains aurifères le sulfo-benzène…
Joyeux Noël !
En France les intellectuels qui se piquent de sciences politiques sont toujours étonnés qu’à l’étranger les élus se plient aux désirs des peuples au lieu de les conduire sur le chemin de la raison.
Angela Merkel, fille de pasteur évangélique, fut éduquée dans une société dirigée d’une main de fer et, à son niveau, fut un des multiples rouages de cette machine à broyer. Elle en connaissait tous les codes, toutes les subtilités. Aussi, quand elle s’intégra au système politique fédéral, prit-elle le parti de la démocratie sincère qui consiste à écouter et répondre aux attentes des électeurs.
Les Allemands ont apprécié sa sollicitude en la surnommant “Mutti”. Qu’elle ait fait des erreurs, sans doute, mais le bilan du règne est “globalement positif” pour eux. Pour nous, c’est une autre histoire, mais avec les sauteurs que nous lui avons opposés, nous ne pouvons que nous en prendre à nous-mêmes.
Joyeux Noël à notre hôte.