Selon Edouard Balladur, Emmanuel Macron est «un opportuniste, qui «commet les fautes de celui qui ne connaît pas l’Histoire». Ce jugement peu amène de l’un des derniers hommes d’Etat que la France a connus mérite d’être analysé. Balladur avait un modèle historique qui explique sa politique, et parfois aussi la distance personnelle qu’il pouvait avoir avec les électeurs. Il s’agit de Richelieu qui n’avait nul besoin d’être élu pour viser l’intérêt du Royaume de France avec pragmatisme. Macron est aux antipodes : il est en même temps le produit caricatural de notre oligarchie et un démagogue court-termiste prêt à toutes les manipulations et gesticulations à finalités électoralistes.
Comme tout le microcosme qui, pour son malheur dirige notre pays, il considère que la France appartient au passé, qu’elle devra dans le futur se contenter d’une place modeste en s’adaptant au nouveau monde, en étant une “start-up nation”, au sein d’une Europe multiculturelle et rajeunie par l’immigration. Cela n’obérera guère le devenir de la caste à laquelle Macron appartient : elle continuera d’évoluer dans les sphères des pouvoirs économiques et politiques de plus en plus mêlés, d’une grande entreprise multinationale à une organisation de régulation internationale, et ne parlera plus bien sûr que le sabir atlantique, issu de l’anglais. On peut sans doute appeler cela une “vision de l’histoire”. C’est dans le fond l’aspect négatif de la fin de l’histoire kantienne, de la démocratie universelle rêvée par Fukuyama. On sait désormais que cette “démocratie” est de moins en moins démocratique et de plus en plus oligarchique, technocratique, et même totalitaire tant la pensée unique et le politiquement correct y exercent un terrorisme intellectuel, tant la politique internationale menée par le chef de file américain se fait de plus en plus unilatérale et impérialiste, accompagnée par la meute des médias et des Gafam qui imposent ce qui se présente bien comme une idéologie intolérante, castratrice de la liberté de penser. On sait aussi que d’autres civilisations, d’autres nations résistent à cette emprise, à la domination du prétendu “Empire du Bien” et font percevoir davantage le futur comme un conflit civilisationnel. Macron n’est que le champion français de cette dissolution de la France et de l’occident chrétien dans la mondialisation voulue par les partisans du “cercle de raison”, qui à force de se vouloir très rationnels sont de moins en moins raisonnables.
Mais “en même temps”, il est le grand gesticulateur, le grand distributeur, au verbe long et à l’action courte. Et là, il n’y a plus de vision du tout mais une instrumentalisation assez scandaleuse et méprisable de l’histoire de notre pays avec un fil conducteur qui est la repentance et une intention évidente qui est le racolage communautariste. La France serait une grande coupable envers tous et toutes, et il faudrait qu’elle s’excuse auprès des uns et des autres, s’agenouillant au dehors et tendant la sébile aux voix au dedans : elle serait lourdement impliquée dans la Shoah, aurait commis le crime contre l’humanité de la colonisation, pratiqué la torture et l’assassinat en Algérie, aurait accompagné le “génocide” rwandais, et doit indemniser une nouvelle fois les Harkis dont les enfants sont des électeurs dignes d’intérêt. Que l’Etat français ne fût pas la France, que la colonisation ait apporté de multiples bienfaits, développé des infrastructures, éduqué et soigné des populations, que les horreurs commises par le FLN en Algérie aient justifié une répression proportionnée et une punition exemplaire des traîtres qui le soutenaient, que parmi ces horreurs, en première ligne, se trouvent le non-respect des accords d’Evian et le massacre accompagné de tortures des Harkis, et de Pieds-noirs, que la tragédie rwandaise ait été provoquée par une opération machiavélique du président actuel, Paul Kagamé, M. Macron n’en a cure, tant son mépris pour le peuple français lui fait croire que le priver de toute fierté mémorielle est possible, et qu’il y sera même insensible le jour de l’élection.
Par ces deux aspects, M. Macron veut liquider la nation française et son histoire. Or, c’est la conscience de cette histoire, non pas de la connaissance apparemment froide et très souvent idéologique que l’on trouve chez les “historiens”, lesquels ne sont jamais des scientifiques neutres, mais la mémoire commune, transmise de génération en génération et inspirant la solidarité entre les vivants et les morts, insufflant la fierté des premiers envers les efforts et les sacrifices des seconds, qui entretient la nation et féconde l’esprit national. C’est ce qu’a compris Vladimir Poutine qui n’arrête ni ne commence l’histoire de la Russie en 1917, comme des imbéciles font naître notre pays en 1789 voire en 1792, oubliant son nom pour le remplacer par l’abstraction de la république. Pour qu’un peuple soit un “démos” capable de choisir son avenir dans le cadre d’une démocratie, il faut qu’il soit porté par la conscience d’une unité liée indissolublement à son identité qui est le fruit de son histoire. Ce que M. Macron enterre, ce n’est pas seulement la France, c’est la démocratie ! La formule qui conclut les discours d’Eric Zemmour : “vive la République, et surtout vive la France” résume fort bien ce qui le sépare du président sortant : la vision de l’histoire. (à suivre)
4 commentaires
“Que l’Etat français ne fût pas la France,”
C’est un sophisme particulièrement ridicule. Qu’était donc l’Etat français, s’il n’était pas la France ? Le Pérou, peut-être ?
En réalité, Vichy a été soutenu par pratiquement tout le monde lors de sa création.
La bonne démarche n’est donc pas de concilier l’inconciliable au détriment de la logique la plus élémentaire, mais d’admettre que la repentance chiraquienne n’était pas une bonne idée, et l’ouverture de la boite de Pandore.
Il me semble, d’ailleurs, que c’est la position de M. Zemmour.
La thèse de de Gaulle était que la France était la France Libre, à Londres. Et l’histoire lui a donné raison.
Non, sa thèse était que la légitimité politique était à Londres.
Et cette thèse était destinée à défendre les intérêts géopolitiques de la France à la fin de la guerre, pas à faciliter sa mise en accusation, en faisant croire aux gens n’y regardant que superficiellement que M. Chirac ne mettait pas notre pays en accusation.
Quand le Chef de l’Etat est plutôt “nommé” que “élu” du peuple, il se peut qu’il ne représente que très peu son pays….C’était le cas de Pétain.
On peut être le représentant d’un pays sans l’incarner vraiment, cela se voit encore aujourd’hui.
l’état de la France est plus préoccupant que l’Etat Français.