Si l’on se tourne vers les autres candidats à l’élection prochaine, cette dimension historique est tronquée ou même absente. Désormais, elle est totalement étrangère à la gauche qui a trouvé des substituts à la grande nation porteuse du progrès, conquérante avec la Révolution, à la classe laborieuse, au prolétariat mondial qui lui succéda. Les socialistes, les communistes, ou plutôt leurs résidus, se tournent désormais vers le vaste monde de la misère qu’il faudrait accueillir et vers les minorités intérieures qui en résultent.
Malgré le caractère très marginal de sa participation à l’éventuel réchauffement climatique, la France n’existe pour les gauchistes, écologistes ou non, que dans la mesure où elle est coupable. C’est certes une vision historique, mais qui déforme le passé et condamne l’avenir. Le seul sens de l’histoire qui subsiste à gauche est un sens interdit, interdit pour la France. La haine de soi qui anime la gauche ne parvient pas à comprendre qu’elle encourage la haine des autres envers nous et notre remplacement. Peu importe le mot qui sera inscrit sur l’épitaphe du peuple français :métissage, créolisation. En perdant son identité, il aura cessé d’exister, et avec lui une civilisation dont chaque Français doit au contraire reconquérir la fierté. Plus au centre, depuis longtemps chez nos brillants technocrates, ces extraordinaires
inspecteurs des finances qui entouraient déjà Pétain et ont coulé beaucoup de nos grandes entreprises, l’épaisseur du temps s’est rétrécie au court terme des ajustements et des expédients budgétaires, des progrès sociétaux offerts aux minorités remuantes, et des intérêts bien compris de la caste et de ses membres. Notre oligarchie diplômée est armée de deux registres, celui de son cursus dans les grandes écoles, long comme un jour sans pain, et celui, bizarrement beaucoup plus court, de ses réussites dans le monde réel. Qu’importe, elle se croit seule à receler la légitimité du pouvoir réduit à la gestion parce que la politique serait réduite à l’économie. La vision historique ne serait que nostalgie, comme diraient Éric Woerth ou Alain Juppé : avec Macron, ils voient la dilution de la France dans une Europe régénérée par une immigration africaine et musulmane, largement ouverte au monde comme un avenir radieux pour le microcosme transhumanisé qui continuera à gérer les organismes dirigeants de la technocratie mondiale. Il y a bien là une vision de l’histoire, celle d’une rivière dont la source va se tarir, qu’un affluent va remplacer, et qui ira se perdre dans le fleuve de l’Europe et dans l’océan du monde. Néanmoins, ceux qui se croient les meilleurs nageurs imaginent pouvoir atteindre l’Eldorado du gouvernement mondial.
Selon Édouard Balladur, Emmanuel Macron est « un opportuniste, qui commet les fautes de celui qui ne connaît pas l’Histoire ». Ce jugement peu amène de l’un des
derniers hommes d’État que la France a connus mérite d’être analysé. Balladur avait un modèle historique qui explique sa politique, et parfois aussi la distance personnelle qu’il pouvait avoir avec les électeurs. Il s’agit de Richelieu qui n’avait nul besoin d’être élu pour viser l’intérêt du Royaume de France avec pragmatisme. Macron est aux antipodes : il est en même temps le produit caricatural de notre oligarchie et un démagogue court-termiste prêt à toutes les manipulations et gesticulations à finalités électoralistes. Comme tout le microcosme qui, pour son malheur, dirige notre pays, il considère que la France appartient au passé, qu’elle devra dans le futur se contenter d’une place modeste en s’adaptant au nouveau monde, en étant une “start-up nation”, au sein d’une Europe multiculturelle et rajeunie par l’immigration. Cela n’obérera guère le devenir de la caste à laquelle Macron appartient : elle continuera d’évoluer dans les sphères des pouvoirs économiques et politiques de plus en plus mêlés, d’une grande entreprise multinationale à une organisation de régulation internationale, et ne parlera plus bien sûr que le sabir atlantique, issu de l’anglais. « Il n’y a pas de culture française », a osé dire celui qui occupe actuellement l’Élysée. On peut sans doute appeler cela une “vision de l’histoire”. C’est dans le fond l’aspect négatif de la fin de l’histoire kantienne, de la démocratie universelle rêvée par Fukuyama.
On sait désormais que cette “démocratie” est de moins en moins démocratique et de plus en plus oligarchique, technocratique et même totalitaire, tant la pensée
unique et le politiquement correct y exercent un terrorisme intellectuel, tant la politique internationale menée par le chef de file américain se fait de plus en plus unilatérale et impérialiste, accompagnée par la meute des médias et des Gafam qui imposent ce qui se présente bien comme une idéologie intolérante, castratrice de
la liberté de penser. On sait aussi que d’autres civilisations, d’autres nations résistent à cette emprise, à la domination du prétendu “Empire du Bien”, et font percevoir davantage le futur comme un conflit civilisationnel. Macron n’est que le champion français de cette dissolution de la France et de l’Occident chrétien dans la mondialisation voulue par les partisans du “cercle de raison”, qui, à force de se vouloir très rationnels, sont de moins en moins raisonnables. Mais « en même temps », il est le grand gesticulateur, le grand distributeur, au verbe long et à l’action courte. Et là, il n’y a plus de vision du tout mais une instrumentalisation assez scandaleuse et méprisable de l’histoire de notre pays avec un fil conducteur qui est la repentance, et une intention évidente qui est le racolage communautariste. La France serait une grande coupable envers tous et toutes, et il faudrait qu’elle s’excuse auprès des uns et des autres, s’agenouillant au-dehors et tendant la sébile aux voix au-dedans : elle serait lourdement impliquée dans la Shoah, aurait commis le crime contre l’humanité de la colonisation, pratiqué la torture et l’assassinat en Algérie, aurait accompagné le “génocide” rwandais, et doit indemniser une nouvelle fois les Harkis dont les enfants sont des électeurs dignes d’intérêt. Que l’État français ne fût pas la France, que la colonisation ait apporté de multiples bienfaits, développé des infrastructures, éduqué et soigné des populations, que les horreurs commises parle FLN en Algérie aient justifié une répression proportionnée et une punition exemplaire des traîtres qui le soutenaient, que parmi ces horreurs,
en première ligne, se trouvent le non-respect des accords d’Évian et le massacre accompagné de tortures des Harkis et de Pieds-noirs, que la tragédie rwandaise ait
été provoquée par une opération machiavélique du président actuel, Paul Kagamé, M. Macron n’en a cure, tant son mépris pour le peuple français lui fait croire que
le priver de toute fierté mémorielle est possible, et qu’il y sera même insensible le jour de l’élection. (à suivre)