A plus de 100 ans, Claude Levi-Strauss s’en est allé. Sa disparition me touche énormément car c’est celle d’un auteur qui a beaucoup contribué à ma propre formation, dont j’ai lu la plupart des ouvrages et que j’ai eu le bonheur de rencontrer une fois, lorsque Maurice Schumann m’avait invité à l’Académie pour la réception de François Jacob. Peu de penseurs manifestent autant que lui une finesse d’esprit et une rigueur logique qui confèrent à chacun de ses livres la dimension d’un voyage dans un univers intellectuel passionnant. Il est vrai que comme beaucoup j’avais commencé avec lui par le vrai voyage de Tristes tropiques, mais c’est toujours avec le sentiment émerveillé de la découverte que j’ai lu par exemple la pensée sauvage. On y apprend plus sur l’homme qu’en visitant le musée du Quai Branly. On y apprend par exemple que tout chez l’homme est langage et signification. Levi-Strauss qui aimait beaucoup Rousseau avait montré combien l’une des idées de celui-ci était essentielle pour l’humanité, que le premier langage de l’homme est la poésie, que l’homme habite en poète, comme dirait Heidegger, ce monde que Levi-Strauss vient de quitter…