M. Christian Vanneste attire l’attention de Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi sur la mise en place de l’interlocuteur social unique. Il semblerait que de nombreuses anomalies aient été relevées, en raison de la présence des deux réseaux que sont l’ACOSS et le RSI. Alors que la mise en place du RSI devait permettre une simplification et des économies, l’IGAS dénonce, dans différents rapports, les difficultés de maintenance, le partage complexe des compétences entre l’ACOSS et le RSI. Aussi, il souhaiterait connaître les mesures que le Gouvernement compte prendre afin de résoudre ces difficultés.
Réponse du Gouvernement :
La création de l’interlocuteur social unique (ISU) a pour objectif de simplifier le recouvrement des cotisations des 1,6 million d’artisans et de commerçants. Ils s’acquittent depuis le 1er janvier 2008 de l’ensemble des cotisations et des contributions sociales obligatoires dont ils sont redevables à titre personnel auprès d’un seul organisme. L’ISU repose sur un partage des tâches entre les caisses du régime social des indépendants (RSI) et les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF), ces dernières agissant au nom et pour le compte des premières. Cette répartition du travail repose sur les compétences reconnues et affirmées des deux réseaux et vise à tirer profit de la spécialisation des caisses sur leurs coeurs de métiers, c’est-à-dire les activités générales de recouvrement sur des populations larges pour les URSSAF et les mesures d’accompagnement individualisé des indépendants pour les caisses du RSI. Aujourd’hui, cette simplification constitue une réalité pour la très grande majorité des artisans et commerçants. Toutefois, la mise en place de l’ISU a provoqué des difficultés réelles pour environ 100 000 cotisants, soit 6 % des cotisants concernés par la réforme. Les organismes sociaux ont pleinement conscience des problèmes rencontrés par les personnes concernées. Soucieux de leur apporter des réponses concrètes, ils travaillent au traitement au cas par cas de la situation des intéressés. Des moyens supplémentaires ont déjà été accordés par l’État et mobilisés par les caisses pour faire face aux besoins. En outre, afin d’accélérer la résolution de ces difficultés avant la fin de l’année, le Gouvernement s’est engagé, le 24 février dernier, en mettant en place un plan d’action précis et en engageant les moyens nécessaires pour résoudre les anomalies. Ainsi, un budget complémentaire a été débloqué pour l’exercice 2010. Parmi les premières mesures mises en place, des solutions de court terme ont été trouvées pour contourner les obstacles rencontrés et apporter des solutions techniques dès 2010 sans attendre la mise en place d’un système d’information unique dédié à l’ISU et partagé entre les deux réseaux. Ce nouveau système autorisant une bonne gestion de l’ensemble du processus devrait être opérationnel en 2012. La bonne articulation entre ce système et les choix retenus par les URSSAF pour la rénovation de leur propre système d’information est un objectif majeur fixé par la convention d’objectif et de gestion pour 2010-2013 signée entre l’État et l’agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). Par ailleurs, le processus de déclaration des revenus permettant le calcul des cotisations, sera simplifié dès 2011 grâce à un renforcement des échanges d’information directs entre les URSSAF et la Direction générale des finances publiques (DGFiP) sur la base de la déclaration fiscale des revenus du foyer. Cette mesure permettra de réduire de manière très importante la masse des restes à recouvrer, artificiellement gonflée à l’heure actuelle par des anomalies sur certains comptes. En effet, les difficultés liées à la prise en compte des revenus, indiqués dans les déclarations annuelles, ont conduit à estimer temporairement sur des bases forfaitaires prévue par la réglementation, les cotisations dues. Celles-ci sont revues à la baisse dès que les revenus réels sont correctement pris en compte. Le taux pertinent de cotisations restant à recouvrer, qui exclut ce biais, s’élève à 7,55 % pour l’exercice 2009, en progression de 1,74 point par rapport à l’année antérieure. Ce chiffre reflète en tout premier lieu les difficultés économiques et financières d’une population fortement exposée aux effets de la crise. Un tel taux correspond à un manque à gagner immédiat d’environ 1,5 milliard d’euros mais qui doit aller en diminuant au fur et à mesure que les entreprises pourront régulariser leur situation. Il convient de préciser, en outre, que ces chiffres sont aussi la conséquence des consignes de souplesse en matière de recouvrement que le Gouvernement a demandé aux organismes d’appliquer, mesure dont l’utilité ne saurait être contestée. Le nombre de délais de paiement accordés à des travailleurs indépendants est ainsi passé de 60 000 en 2008 à 150 000 en 2009. S’agissant des problèmes d’affiliation, qui concernaient essentiellement des travailleurs indépendants ayant créé leur activité en 2009, les retards ont été progressivement résorbés. Ces cotisants reçoivent actuellement les appels permettant la régularisation de leur compte, assortis des informations nécessaires pour leur accorder des facilités de paiement pour des sommes qui peuvent parfois être importantes. de manière plus générale, un plan d’action destiné à améliorer l’efficacité du système d’affiliation et de radiation a été décidé par le Gouvernement avec l’appui de la direction générale de la modernisation de l’État (DGME). Un schéma a d’ores et déjà été défini afin de rendre opérationnel le dispositif. L’objectif est de réduire le délai qui court entre la création d’entreprise et la confirmation de l’immatriculation à un mois dès la fin de l’année 2010, engagement qui suppose des moyens à court terme, compte tenu de l’affluence des créations d’auto-entrepreneurs, mais aussi une rationalisation du processus. Par ailleurs, une plate-forme permettant d’améliorer la lisibilité et l’accessibilité des informations pour les cotisants par des moyens modernes et de réduire les délais de réponse aux courriels, a été mise en place par les deux réseaux. Elle sera renforcée de moyens de réponse téléphoniques supplémentaires à partir du mois de juillet. Cette démarche d’amélioration des relations avec les cotisants inclut des partenariats avec les experts-comptables pour identifier le maximum de situations problématiques et les résoudre au plus vite. Les signalements des difficultés par les cotisants eux-mêmes sont traités en priorité par les caisses. Enfin, pour tenir compte de l’impact possible de ces difficultés, des instructions ont été données aux organismes afin que ces dysfonctionnements ne causent aucun préjudice aux assurés dans l’ouverture ou le maintien de leurs droits. Par exemple, en cas d’arrêt maladie, une solution est trouvée pour chaque situation particulière auprès de la caisse RSI compétente, permettant d’assurer le versement des indemnités journalières. de même, en cas de problème lié à l’ISU et ayant une incidence sur leurs paiements, les cotisants bénéficient de droit de délais et d’une remise automatique des majorations de retard. Les difficultés rencontrées ont conduit certains à demander une nouvelle et radicale modification du partage des rôles entre les caisses du RSI et les URSSAF. Une telle éventualité ferait perdre le bénéfice tiré de la rationalisation des tâches menée dans chaque réseau du fait de ses compétences et à court terme ne ferait qu’aggraver les difficultés au détriment de leur résorption d’ici la fin de l’année.
Question publiée au JO le : 02/02/2010 page : 995
Réponse publiée au JO le : 22/06/2010 page : 6922
Date de changement d’attribution : 22/03/2010
Un commentaire
La réforme de l’ISU (Interlocuteur Social Unique) visait à apporter aux Travailleurs indépendants une simplification dans le règlement des cotisations sociales et le versement des prestations qui en découlent.
Avant cette réforme, les Indépendants devaient en effet acquitter leurs différentes cotisations (Maladie, Vieillesse, Allocations familiales) auprès de plusieurs institutions sociales ou assureurs, ce qui était évidemment source de formalités multiples. Pour leurs prestations, ils avaient de ce fait à contacter plusieurs interlocuteurs.
Un ministre, qui a depuis abandonné la politique, considéra qu’il était plus simple d’assujettir ces Indépendants auprès d’un seul régime, qui restait à créer : le RSI (Régime Social des Indépendants). Grâce lui soit rendue, cette idée tombait sous le bon sens. Mais ce qui se conçoit clairement se décline difficilement, lorsque entrent en jeu la foire aux ego et les luttes de pouvoirs.
Les URSSAF encaissaient précédemment la cotisation personnelle d’allocations familiales des Travailleurs Indépendants ; or pour certains directeurs d’URSSAF, perdre cette ” part de marché ” apparaissait comme inacceptable. Après quelques années de lobbying puissant, les URSSAF resteraient donc partie prenante dans le recouvrement des cotisations dues par les indépendants. On peut pourtant se demander si c’est aux agents du service public de décider eux-mêmes de ce qui entre ou pas dans leur sphère d’activité !
En parallèle, du côté des régimes en charge des prestations Maladie et Vieillesse des indépendants (anciennes caisses ORGANIC, CANCAVA et autres) il s’agissait de fusionner plusieurs caisses en une entité régionale unique qui voyait se mêler des personnes aux habitudes professionnelles diversifiées, et aux outils informatiques largement incompatibles. La fusion était d’autant plus difficile que tous les agents, quel que soit leur niveau hiérarchique n’allaient pas forcément retrouver un emploi correspondant à leurs aspirations professionnelles.
Et pour faire “encore plus simple”, si les artisans et commerçants entraient totalement dans ce nouveau régime, il en était autrement pour les Professions libérales, qui décidaient de conserver une certaine autonomie.
C’est par l’intervention de deux régimes distincts de Sécurité Sociale (Régime général pour les URSSAF et Régime Social des Indépendants) qu’on allait voir l’émergence de ce qu’on appelle l’Interlocuteur Social Unique (ISU) tellement ” unique ” qu’il s’appuie sur une dualité d’intervenants.
La réforme du RSI et de l’ISU allait ainsi se mettre en place, dans l’urgence et dans un climat social tendu.
Or les conceptions culturelles qui présidaient au fonctionnement des URSSAF et des caisses des indépendants étaient assez divergentes : les habitudes régaliennes des URSSAF contredisaient l’ approche plus assurantielle et plus compréhensive des caisses RSI.
Par ailleurs, l’organisation des structures générait elle-même des sources de complication. Les Caisses RSI avaient une circonscription régionale alors que les URSSAF avaient dans leur quasi-totalité une circonscription départementale : chaque caisse RSI devait alors entretenir des relations multiples avec les URSSAF de sa région. Pour éviter une certaine cacophonie, on allait demander aux URSSAF d’une même région de parler d’une seule voix. Pour cela, une structure supplémentaire de concertation entre les URSSAF et leur caisse RSI allait être constituée.
Malheureusement, ceci n’était pas suffisant, car les règles d’affiliation géographique ne sont pas les mêmes dans les deux régimes : les URSSAF immatriculent leurs cotisants en fonction du lieu où s’exerce l’activité, et le RSI en fonction du domicile de l’assuré. Pour peu qu’un commerçant vive au soleil de la Côte d’azur, mais crée son activité en Région Parisienne, les choses deviennent compliquées ; et si ce commerçant, particulièrement entreprenant gère en plus une activité saisonnière à la montagne en hiver, et en Bretagne en été, alors là, on frise l’apoplexie technocratique.
Cette aberration entraînait que chaque URSSAF pouvait avoir des relations plus ou moins fréquentes avec les 23 caisses RSI, et chaque caisse RSI se devait de connaître les 102 URSSAF de métropole, sans oublier les CGSS des DOM. Ainsi, même si des accords pouvaient apparaître dans les structures de concertation régionales, chaque région pouvait arrêter des décisions méconnues des autres régions.
Il faut également soulever que la mise en œuvre de cette réforme, côté ” cotisations ” allait se faire par phases successives répartissant dans le temps la montée en charge des multiples cotisations correspondant à chaque risque. Des évolutions informatiques étaient nécessaires à chaque étape, faisant des services de développement informatique un chantier permanent.
C’est l’outil informatique des URSSAF qui avait été retenu comme servant de fondation au nouveau système de recouvrement des cotisations. Ceci pouvait paraître cohérent, puisque les URSSAF savaient déjà appeler une cotisation d’Allocations Familiales, en offrant des solutions de mensualisation et de Prélèvements Automatiques. Hélas, ce choix a donné au RSI l’idée que le système informatique des URSSAF devait tout faire : la montée en charge progressive des différentes cotisations à payer et leur calcul.
Or pour parler comme un ” fiscaliste “, le Recouvrement et l’Assiette, ça n’est pas la même chose. Dès lors que les textes fondateurs de la réforme précisaient que les cotisants fournissent au RSI les bases de calcul de leurs cotisations (le Revenu professionnel annuel), et que le RSI délègue aux URSSAF le Recouvrement, il fallait que le RSI calcule et que les URSSAF encaissent.
Seulement le RSI a progressivement laissé aux URSSAF la majeure partie des tâches basiques, se limitant à un rôle de donneur d’ordre, sans étude de faisabilité ni analyse des moyens disponibles en URSSAF. Pourtant, les textes édictaient que le RSI ” délègue ” aux URSSAF : la responsabilité du délégant est de s’assurer que le délégataire a les moyens de faire. Dans le cadre de l’ISU, les URSSAF ne recoivent plus la mission d’encaisser de la loi elle-même, comme pour leurs autres domaine d’activité mais d’une délégation du RSI, ce qui reste pour elles conceptuellement difficile à intégrer.
Pour en rajouter un peu plus dans la complexité, les champs de compétence respectifs restent mal définis, le RSI perdurant dans son attitude à en demander toujours plus aux URSSAF : le RSI doit en effet récupérer les revenus professionnels qui permettent de calculer les cotisations, mais passé une certaine date, c’est aux URSSAF d’œuvrer sur les cas pour lesquels le RSI n’a pas pu obtenir ce revenu. Autre exemple en matière de contentieux, où le RSI veut rester maître des modalités de poursuite des mauvais-payeurs, mais laisse aux URSSAF le soin de faire le contentieux de premier niveau. Il perdure donc un certain flou pour savoir ” qui fait quoi “.
Cette confusion des rôles, cette absence de fixation claire des compétences respectives, ajoute ainsi aux causes multiples qui s’attachent, dès le début de la réforme à provoquer certains dysfonctionnements dans la gestion des dossiers des Travailleurs Indépendants.
S’il était alors possible de présenter aux autorités administratives quelques pistes d’évolution pour simplifier cette réforme, et par là même, la rendre applicable, il s’agirait de travailler sur les idées suivantes :
* Faut-il vraiment une dualité d’interlocuteurs pour construire l’ISU ? Le RSI ne doit -il pas gérer seul l’ensemble de ses obligations ?
* A défaut, ne faut-il pas s’inspirer des organismes du Régime Général, où les URSSAF encaissent pendant que les CPAM, CAF et CRAM versent les prestations (chacun restant totalement maître de son organisation)
* Ou a minima, avoir une seule URSSAF par région en charge des cotisations des indépendants, interlocuteur de la caisse du RSI, en utilisant la même règle d’affiliation géographique pour les deux régimes (chaque cotisant n’ayant à connaître qu’un seul interlocuteur ISU), et en travaillant sur un outil informatique commun dont chaque régime traiterait sa propre part des données, en respectant des champs de compétence spécifiques à chaque partenaire et qui ne se recoupent pas.