M. Christian Vanneste interroge M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, sur la pollution de l’eau par la pilule contraceptive. En septembre dernier, une étude réalisée par une chercheuse de l’université de Montréal a montré que l’usine de traitement d’eau locale déversait 90 fois la quantité critique de certains oestrogènes dans le fleuve Saint-Laurent. Or il semblerait que les femmes québécoises ne consomment pas moins de 128 millions de pilules contraceptives par an. Les tonnes d’hormones ainsi absorbées sont ensuite relâchées dans les eaux usées via l’urine contaminée. […] En 2007, 85 % des poissons-chats analysés près de Pittsburgh, en Pennsylvanie, présentaient un « genre ambigu » ; onze d’entre eux eurent en laboratoire un effet cancérigène spectaculaire sur des cellules humaines. En 2005, des biologistes du Colorado, financés par la très officielle EPA (agence fédérale de protection de l’environnement), avaient pêché au hasard 123 poissons dans un ruisseau près de Boulder, en aval de l’usine de traitement d’égouts municipale. Parmi les truites et autres salmonidés : 101 femelles, 12 mâles et 10 « intersex », présentant certaines caractéristiques mâles et d’autres femelles ! « C’était la première fois de toute ma carrière que je voyais quelque chose d’aussi effrayant », reconnut alors un biologiste de 59 ans. Son équipe remonta le fil et trouva les coupables : les oestrogènes issus de contraceptifs. Il aimerait donc connaître l’avis du Gouvernement sur ces études et sur les problèmes environnementaux créés par les pilules.
Réponse du Gouvernement :
Dans les eaux de surface, les concentrations en oestrogènes sont généralement faibles car ces substances se dégradent relativement rapidement et s’adsorbent sur les particules de boue. D’après l’excrétion journalière d’oestrogènes par l’homme et les facteurs de dilution, les concentrations dans les eaux sont de l’ordre du nanogramme/litre pour les stéroïdes. Leur présence s’explique notamment par leur élimination incomplète dans la chaîne de traitement des eaux usées et leur rémanence est estimée entre 2 à 6 jours dans l’eau et les sédiments. Les molécules synthétiques les plus répandues dans les formulations pharmaceutiques sont l’estrogène et la progestogène utilisés dans la formulation des pilules contraceptives. Les stéroïdes excrétés ne possèdent pas d’activité biologique directe ; cependant ils peuvent être convertis en stéroïdes libres par les bactéries présentes dans l’environnement. Depuis quelques années, l’amélioration constante des performances analytiques a permis de détecter la présence de substances pharmaceutiques dans les eaux de surface. À la demande de la direction générale de la santé (DGS), les directions régionales des affaires sanitaires et sociales (aujourd’hui agences régionales de santé) de Midi-Pyrénées, Basse-Normandie et Rhône-Alpes, en collaboration avec les agences de l’eau Seine-Normandie et Adour-Garonne ont mené une campagne de mesures des médicaments et substances émergentes en 2006 et 2007 dans les eaux utilisées pour la production d’eau potable (eaux de surface et souterraines) et dans les eaux potables, dans le cadre de l’action 11 du plan national Santé-environnement adopté en juin 2004 (PNSE1). Ces campagnes ont permis de préciser l’ordre de grandeur de la contamination des eaux. La DGS a signé une convention en 2006 avec l’agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), puis l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), afin que soit établie une liste de substances pertinentes à analyser dans les eaux et que soit lancée une campagne nationale de mesures : l’AFSSA a rendu son rapport (sélection de 76 substances pharmaceutiques d’origine humaine, vétérinaire et métabolites) ; le laboratoire d’études et de recherche en hydrologie (qui dépend de l’AFSSA) a précisé les techniques d’analyses pour certaines molécules, mis en oeuvre des essais d’intercalibration et élaboré un protocole d’échantillonnage pour mener une campagne nationale. Cette campagne a pour objectif de disposer de données d’exposition sur un échantillon représentatif d’eaux (eaux brutes / eaux distribuées), sur la base desquelles une évaluation des risques sanitaires éventuels sera menée par l’AFSSA et l’AFSSAPS. Les résultats de cette évaluation des risques permettront d’apprécier l’opportunité d’une évolution de la réglementation. Pour l’heure, il s’agit d’un inventaire au stade de la recherche. L’évaluation et la gestion des risques sanitaires par rapport à la consommation d’eau du robinet pouvant contenir des traces de médicaments est inscrite dans le plan national Santé-environnement 2009-2013 (PNSE2). Le futur plan national sur les résidus de médicaments dans les eaux (action 47 du PNSE2) favorisera l’acquisition des connaissances sur l’état des milieux, sur l’exposition aux résidus de médicaments et leurs effets sur l’environnement et la santé et sur les modalités de traitement des eaux. Le programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens, créé en 2005 par le ministère en charge de l’environnement et du développement durable, complète le dispositif d’actions en soutenant des recherches fondamentales et appliquées en appui sur les questions de perturbation endocrinienne et en rassemblant les acteurs des différentes disciplines concernées.
Question publiée au JO le : 05/05/2009 page : 4118 Réponse publiée au JO le : 13/07/2010 page : 7934 Date de changement d’attribution : 30/06/2009 Date de renouvellement : 08/09/2009 |