A la suite du rapport que j’ai rédigé avec mon collègue socialiste René Dosière, j’ai défendu [hier soir] avec lui des amendements qui tendent à donner un rôle plus important au Parlement pour la désignation des adjoints du Défenseur des droits. Cela aurait un double effet bénéfique pour la majorité. D’abord, elle prouverait que la réforme constitutionnelle de 2008 n’était pas un faux-semblant, et ferait taire la gauche sur ce point. Deuxièmement, elle permettrait à ce texte d’être voté dans un climat de consensus. D’une façon assez incompréhensible, la majorité se situe sur une ligne qui tend à conserver à la désignation des adjoints comme du Défenseur un caractère partisan qui pourra bien sûr un jour ou l’autre s’inverser à son détriment. Cette démonstration faite, j’ai été applaudi par la gauche… ce qui ne m’arrive pas souvent…!! (voir en vidéo)
M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste.
M. Christian Vanneste. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, chers collègues, nous avons modifié la Constitution en 2008. Le texte que nous examinons aujourd’hui est l’une des conséquences de cette réforme. La Constitution de 1958 avait voulu mettre fin à l’instabilité et à l’impuissance d’un régime trop parlementaire. Tout en gardant un caractère parlementaire que les cohabitations ont souligné, la Ve République a renforcé le pouvoir exécutif. Depuis l’instauration du quinquennat, le déséquilibre s’est accentué, au point qu’il n’aurait pas été absurde d’imaginer une réforme qui allât jusqu’au régime présidentiel en approfondissant la séparation des pouvoirs. Le choix a été fait d’accroître l’action et le rôle du Parlement, le poids de l’opposition en son sein notamment.
Par ailleurs, la réforme de 2008 a pris en compte un mouvement général des démocraties avancées : la protection des droits et des libertés, la participation – mot que les gaullistes affectionnent – accrue des citoyens. La question prioritaire de constitutionnalité mise en place par l’article 61-1 de la Constitution, le référendum d’initiative populaire, que nous attendons toujours, vont dans ce sens.
Le texte d’aujourd’hui est au croisement de ces deux routes et, malheureusement, dans son état actuel, il conduit à un télescopage. Transformer le Médiateur de la République en une autorité constitutionnelle, le Défenseur des droits, intégrer à cette autorité la HALDE, le Défenseur des enfants, la CNDS et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté pour donner à l’ensemble plus de poids, donc plus d’indépendance, c’est aller dans le bon sens, comme l’a souligné René Dosière.
En revanche, que ce défenseur soit choisi par le Président de la République, avec pour veto les trois cinquièmes des membres des commissions parlementaires compétentes laisse supposer que le Président soutenu par sa majorité pourrait imposer une personnalité qui ne ferait pas consensus, qui ne serait pas nécessairement au-dessus du débat politique, un défenseur de droite ou un défenseur de gauche suivant les majorités. De plus, la désignation de ses adjoints par le Défenseur accentuerait ce risque de transmission verticale du pouvoir qui ne paraît pas du tout conforme à l’esprit même de cette institution qui est une institution de médiation.
M. René Dosière. Très bien !
M. Christian Vanneste. Or la reforme de 2008 a également conduit à la création du Comité d’évaluation et de contrôle chargé de développer ces deux missions très présentes dans de nombreux parlements du monde et anémiées chez nous. C’est le Président de la République lui-même qui disait, le 14 janvier 2007 : « La démocratie irréprochable ce n’est pas une démocratie où l’exécutif est tout et le Parlement rien. C’est une démocratie où le Parlement contrôle l’exécutif et a les moyens de le faire ». Il prévoyait d’ailleurs la création d’un office parlementaire d’évaluation et de contrôle des politiques publiques.
C’est dans ce cadre que René Dosière et moi-même avons présenté un rapport qui a été approuvé par le CEC et a été présenté à la commission des lois sans que le président de celle-ci, d’ailleurs, conteste nos propositions, notamment celle que je vais évoquer. Lors de la présentation de notre rapport devant le CEC, le 28 octobre dernier, le président de la commission des lois se disait « heureux que les rapporteurs viennent présenter leur travail à la commission des lois, de préférence avant le texte sur le Défenseur des droits, afin de poser les bases de notre réflexion. »
M. Christophe Caresche. Vous avez beaucoup d’humour !
M. Christian Vanneste. Il semble que les bases aient été mal posées puisque, pour l’instant, elles n’entraînent aucune conséquence.
Nos propositions consistent à donner une réalité à la réforme de 2008. Les rejeter, c’est au contraire donner du poids à l’argument qui fait de cette réforme une simple apparence. Autrement dit, mes chers collègues de la majorité, c’est donner raison aux critiques de l’opposition. Je ne pense pas que ce soit une manœuvre extrêmement intelligente, mais enfin, chacun pourra y réfléchir.
En effet, nous souhaitons d’abord que les adjoints du Défenseur des droits puissent recevoir l’aval des trois cinquièmes des commissions parlementaires compétentes pour exercer leurs fonctions. Nous l’aurions voulu également pour le Défenseur des droits, mais cela aurait exigé une réforme constitutionnelle. Nous pensons en effet que les personnes qui vont exercer ces responsabilités doivent être impartiales et bénéficier d’un consensus qui les place au-dessus des clivages politiques. Nous pensons aussi qu’une certaine collégialité dans le Défenseur des droits est dans la ligne d’une autorité qui doit être non pas verticale, mais transversale, marquée par la transparence et la réflexion.
M. René Dosière. Très bien !
M. Christian Vanneste. On nous objecte que des adjoints « élus » par les trois cinquièmes des commissions auraient une légitimité supérieure à celle du Défenseur. Évidemment non, puisque celui-ci est désigné par celui qui est élu au suffrage universel par le peuple français, et qui possède donc le plus haut degré de légitimité. Notre système propose une compensation qui n’atteint pas l’équilibre, mais qui donne un peu d’autonomie aux adjoints et favorise le débat.
Certains évoquent un monstre à cinq têtes. C’est un contre-sens puisque ce qui serait monstrueux, ce serait d’imaginer qu’un seul homme, qu’une seule femme puisse, en dernière analyse, juger de tout.
M. Christophe Caresche. Exactement !
Mme Laurence Dumont. Très bien !
M. Christian Vanneste. Ce qui serait contradictoire, ce serait de se représenter l’autorité chargée de protéger les citoyens, les habitants de notre pays sur le modèle du pouvoir qui les dirige.
La majorité qualifiée des commissions parlementaires, c’est aussi le moyen de faire intervenir le Parlement dans la constitution de l’autorité nouvelle. L’idée que le Parlement ait un rôle prépondérant à jouer en matière de défense des droits et des libertés, la volonté de lui donner plus de poids dans la désignation des adjoints du Défenseur des droits sont dans la droite ligne de la réforme de 2008. S’y opposer, mes chers collègues, c’est démentir les intentions de la réforme que nous avons votée il y a un peu plus de deux ans. Voilà ce que je vous demande de méditer afin, notamment, de pouvoir voter les amendements que René Dosière et moi-même vous proposerons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Un commentaire
Il arrive que le diable porte Pierre et donc, Christian Vanneste a été applaudi par la gauche. Je dis diable car http://fncaledonie.over-blog.fr/article-delors-aubry-ou-madame-brochen-64754149.html. Martine Delors et Jean-Louis Brochen marchent-ils main dans la main ? Si tel est le cas, les électeurs acceptant que Martine Delors fasse à la France le don de sa personne -pour accentuer son malheur- sont des masochistes !