La victoire de Nicolas Sarkozy, il y a un an, semblait avoir offert à la droite l’occasion de se décomplexer (cf les débats actuels au sein de la “blogosphère conservatrice”), et de se libérer une fois pour toute de la repentance et de la culpabilité imposées par la gauche depuis tant d’années. Dans toute l’Europe, la victoire de la droite est toujours commentée comme une victoire des conservateurs. En France, le mot conservatisme est utilisé de manière péjorative y compris par Sarkozy lui-même. Cette image archaïque qui colle indéfectiblement à la peau de la droite française, n’est elle pas plutôt la spécificité d’une gauche repliée sur un programme de défense des avantages acquis et du « modèle social français », du refus aveugle de la mondialisation et de la flexibilité du travail, ou encore de la nécessaire réforme des retraites… ? L’avenir lui fait peur, elle veut retourner à de vieux modèles du siècle passé, et une fois encore désarmer la France, en dépit des menaces qui pèsent sur elle.
Or, le vrai conservatisme, lui, ne rejette pas le changement, au contraire il s’y adapte pour sauvegarder l’essentiel selon la célèbre formule du Guépard. L’un des pères de cette doctrine Edmund Burke reconnaissait d’ailleurs qu’un État qui n’a pas les moyens d’effectuer des changements n’a pas les moyens de se maintenir.
Certains socialistes, il est vrai, lorgnent sur le social-libéralisme de Tony Blair et aimeraient bien que notre pays s’en inspire. Mais ils oublient que Blair n’aurait rien pu faire sans l’héritage de Margaret Thatcher (Maggie) dont l’objectif premier était de « refouler les frontières de l’État » et recentrer ce dernier sur ses fonctions essentielles par la garantie de la monnaie, le maintien de l’ordre public et de la défense nationale, et surtout par la sauvegarde des valeurs fondamentales sur lesquelles s’appuie la pérennité d’une Nation.
Faut-il rappeler que Maggie a envoyé par le fond la dictature argentine, comme un autre conservateur, Winston Churchill, avait été l’opposant le plus constant et déterminé de la barbarie hitlérienne. C’est dire que cette conception politique de droite est ancrée dans la démocratie, et qu’elle crée même les conditions économiques pour que la démocratie soit sociale. Il n’y aurait pas eu Tony Blair, s’il n’y avait pas eu Maggie. C’est elle qui a réformé l’Angleterre, avec un courage politique hors du commun et a remis le pays sur le chemin de la croissance. Or aujourd’hui encore, elle passe aux yeux de l’opinion française pour un repoussoir.
A en croire le magazine Marianne daté du 28 Avril 2007 dont la Une portait le titre suggestif “Ce qu’il y a de Bush en lui”, Sarkozy serait un clone du président américain, le lecteur devant comprendre que c’est explosif et très dangereux pour la France… Il est vrai que la politique étrangère de Georges W. Bush est contestable. D’ailleurs, Sarkozy ne soutient pas l’intervention en Irak. Mais depuis l’élection de Ronald Reagan, les Etats-Unis s’appuient sur l’idéal néoconservateur qui a permis le redressement moral de ce pays.
Ainsi, sait-on que l’idéal néoconservateur américain exige le respect des droits naturels inaliénables ? Qu’anti-laxiste, il se fonde sur une philosophie des devoirs, le respect des anciens, et l’obéissance au droit ? Ni Dieu-État, ni Dieu-Marché, ni maternage, ni irresponsabilité, il prône une ” dynamique de la liberté “, sur les chemins ouverts par John Locke et les Pères fondateurs des États-Unis.
Conception réactionnaire ? Bien au contraire. Lorsqu’un pays connaît le déclin, c’est la seule méthode pour lui d’assurer sa résilience. C’est ainsi qu’en France, à travers son programme de rupture, Nicolas Sarkozy s’efforce de faire basculer le progressisme dans le camp de la droite, qui devient désormais le camp du changement, de la réforme et de l’innovation. Mais réussira-t-il pour autant à engager une révolution conservatrice à la française ? Pourra-t-il créer une vraie droite en France, associant conservatisme des valeurs et libéralisme efficace ? Un conservatisme libéral peut-il s’installer durablement en France comme il semble s’installer en Italie cette semaine avec la composition du Gouvernement Berlusconi ? On se prend à rêver…
Il réussira si sa conception de la liberté s’enracine dans une anthropologie responsable, respectueuse des valeurs humaines fondamentales, ce qui a toujours fait défaut aux libéraux qui ont su redresser l’économie de leur pays, mais qui ont échoué faute d’avoir su mesurer les ravages dans les mœurs du relativisme éthique.
Sur ce, très bon week-end de la Pentecôte !