M. Christian Vanneste. Avec l’article 9 nous abordons la question du diagnostic prénatal, ce qui me donne l’occasion de parler du principe de précaution et, sans mauvais jeu de mots, des risques que l’on court à en abuser.
Si l’on pratique le diagnostic prénatal de façon trop systématique et trop propre à stimuler les angoisses d’une future mère, on a des chances de lui faire courir des risques plutôt que de la protéger, elle et son futur enfant.
Je veux parler de l’eugénisme, c’est-à-dire de la volonté toujours plus forte de nos contemporains de mettre au monde un enfant zéro défaut, un enfant parfait. Cette aspiration me semble être une faute.
C’en est une au regard de la philosophie humaniste. Toutes les philosophies humanistes reposent sur l’idée que l’homme est un être à la fois fini et imparfait. Cette idée court depuis Pascal, selon qui l’homme n’est ni ange ni bête, jusqu’aux magnifiques analyses de Claude Lévi-Strauss sur Œdipe. Entre être chtonien et dieu, Œdipe ne marchait pas droit : il n’était pas parfait ; il était un homme avec ses défauts.
En dehors du champ de la philosophie, d’autres réflexions plus concrètes rejoignent cette analyse. Axel Kahn a déjà été cité ; je veux à mon tour m’appuyer sur ses analyses. Chacun sait qu’il est partisan de l’IVG et que ses choix spirituels ne l’ont pas poussé à s’opposer à cette pratique. Il n’en demeure pas moins qu’il dénonce un mécanisme qu’il appelle de façon extrêmement fine le « maléfice du doute ». Selon lui, dans un passé relativement récent, il existait encore entre le médecin et la parturiente un préalable favorable en faveur de la vie, un choix pour la vie, à laquelle on accordait le bénéfice du doute.
Or, tel qu’il nous est soumis, le projet de loi nous fait courir un risque – et un certain nombre d’amendements et de sous-amendements ne modifient en rien les choses. Il se trouve, en effet, à la croisée du mythe de l’enfant dépourvu de toute malfaçon et de l’extension du concept de responsabilité des professionnels. Axel Kahn observe en effet qu’un avortement volontaire injustifié ne comporte aucun risque pour le praticien, alors que la naissance d’un enfant handicapé peut avoir pour lui de redoutables conséquences.
Mes chers collègues, je veux simplement appeler votre attention sur le fait que la conséquence de trop de précautions peut être un grand risque : celui d’une mort parfaitement inutile et odieuse.
♦ Examen du projet de loi sur la bioéthique, mercredi 25 mai 2011, vers 1h du matin…