Voici le texte de mon intervention lors du grand débat de l’UMP sur la Nation, “Vivre et Réussir ensemble : la Nation dans la Mondialisation” du jeudi 10 novembre dernier. Cette rencontre a permis des échanges d’un bon niveau, malheureusement gâchés par l’intervention nombriliste et maladroite de Jeannette Bougrab, entonnant mal à propos le couplet si vendeur médiatiquement de la victimisation.
La Nation n’est pas un concept abstrait, mais une idée particulière et qui ne correspond en fait tout d’abord qu’à quelques réalités charnelles : en Europe, l’Angleterre, l’Espagne, la France. Ce sont les États-Nations qui ont été les acteurs privilégiés de l’histoire de l’Europe, plus que les cités ou les empires.
C’est une idée qui est donc liée à l’histoire, celle de l’expansion européenne dont ces nations ont été les moteurs en conquérant à l’extérieur des empires qu’elles ne réalisaient pas sur le continent européen. Le sens actuel de ce mot est apparu progressivement à partir d’une définition différente qui désignait les personnes possédant une origine commune. On parlait des quatre nations de l’Université de Paris pour désigner les Normands, les Picards, les Allemands et les Français.
C’est une idée qui est d’ordre pratique plus que théorique. Il ne faut pas chercher à lui donner une définition fondée sur un critère comme la culture ou encore moins l’ethnie. La Nation est ce que Georges Sorel appelait un mythe, c’est-à-dire un produit de l’imagination collective. Mais ce sont les mythes qui sont les grandes réalités de l’action. Ce sont eux qui soutiennent l’existence d’une réalité humaine parce qu’ils l’exaltent dans les esprits, et créent entre les hommes un lien spirituel plus fort que les attaches matérielles.
On doit ici souligner le danger mortel de la « déconstruction » prétentieuse de l’histoire qui prétend « réinventer » la France, en détruisant le roman national, et en formant ainsi une génération sans repère, on aura fait, qu’à force de repentance, les jeunes français ne dessineront plus le visage de leur pays qu’avec une gomme. C’est l’objectif d’un ouvrage comme le « Mythe National » de Suzanne Citron.
Le problème le plus difficile qui se pose aujourd’hui à notre pays est celui que soulignait l’historien Pierre Nora. « Depuis la guerre de 14-18 et les crises, la France n’est plus heureuse avec son histoire ». C’est ce qui explique le record mondial du pessimisme français, celui qu’expriment notamment les déclinologues, c’est « La France qui tombe » de Nicolas Baverez.
La Nation est donc une idée ressentie, non un concept de l’intellect. D’où l’importance du sentiment national qui s’est développé tout au long de l’histoire, d’abord sous la forme de l’attachement au Roi, garant et défenseur du territoire. La Patrie devient une idée claire dès le XVIIème siècle. C’est à l’occasion des affrontements de la communauté française avec les autres puissances que se fait jour le sentiment national : Philippe Auguste et Bouvines contre l’Empire et l’Angleterre, Philippe le Bel et Agnani contre la Papauté, Jeanne d’Arc et la libération de l’occupant anglais. La fin du règne de Louis XIV est marquée par la victoire de Denain contre les alliés. Cette victoire qui mobilise les milices communales préservera le territoire national jusqu’à la révolution. La Nation existe dans la mesure où elle est la prise de conscience de l’identité d’une communauté de destin historique lorsqu’elle est menacée.
Lors de la révolution, la Nation prend son autonomie par rapport à l’attachement au Roi. Sieyès, lecteur de Rousseau va en être le penseur et le législateur initial. Le 17 juin 1789, il propose au Clergé et à la Noblesse de rejoindre le Tiers État pour former l’Assemblée Nationale représentant la Nation : « un corps d’associés vivant sous une loi commune et représenté par la même législature ». Cette conception met l’accent sur la situation juridique plus que sur le destin historique. Elle perdure jusqu’à aujourd’hui, par exemple dans les ouvrages de Dominique Schnapper. Dans la « Communauté des Citoyens » elle écrit : « la Nation transcende par la citoyenneté les appartenances particulières ». La Nation est donc une communauté politique formée de citoyens libres et égaux.
Cette conception étroitement juridique est insuffisante. Elle oublie le sentiment d’appartenance qu’évoque parfaitement Malika Sorel dans ses ouvrages, le fait que la politique ne se résume pas au droit, ne concerne pas des citoyens abstraits mais des hommes et des femmes avec leur affectivité et leur imaginaire.
C’est pourquoi le « besoin de Nation » s’éveille ou se réveille lors des crises qui mettent en danger la liberté, l’identité, l’existence d’un groupe qui réagit en s’affirmant. C’est après la victoire de Napoléon sur la Prusse, l’occupation et le découpage de l’Allemagne que Fichte écrit les « Discours à la Nation Allemande ». De même on peut souligner la similitude entre Renan et ses ouvrages postérieurs à la défaite de 1870, « cette guerre funeste… le commencement d’une régénération », et Marc Bloch qui souligne en 1940 dans « l’étrange défaite » que « les ressorts profonds de notre peuple sont intacts et prêts à rebondir ». C’est lui aussi, ce républicain, laïc, d’origine juive qui écrivait : « il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l’histoire de France, ceux qui refusent de vibrer au souvenir du Sacre de Reims et ceux qui lisent sans émotion le récit de la Fête de Fédération ».
En quoi réside cette identité menacée ?
- C’est une identité culturelle, faite d’une langue, d’un patrimoine, immatériel et matériel, d’un mode de vie. De ce point de vue, le multiculturalisme est une ineptie. Une culture échange et peut se nourrir de ses échanges. C’est un fleuve, pas une mosaïque qui doit garder son identité afin d’avoir quelque chose à offrir
- C’est aussi cette notion plus particulière à l’histoire de la France comme État Nation : la volonté, qui fait de la Nation un acteur historique par la volonté d’un état, d’un état qui représente à partir de la révolution une communauté de citoyens qui rassemble ceux qui expriment la volonté de participer à un destin commun. C’est la double volonté de l’État et des citoyens qui fonde la Nation.
- C’est une personne historique, telle que la désignent Michelet, Péguy, et bien sûr de Gaulle : « je me suis toujours fait une certaine idée de la France. Ce qu’il y a en moi d’affectif l’imagine comme la Princesse des contes ou la Madone des fresques ».
Cet acteur doit-il être mis à la retraite ?
Trois fois non.
- D’abord, pour préserver un équilibre entre les deux risques conjoints de la foule solitaire et de l’état providence si bien dépeints par Tocqueville dans « La Démocratie en Amérique », ce nouveau despotisme où un état prévoyant déresponsabilise des individus hédonistes. La Nation permet d’éviter l’égoïsme matérialiste et la technocratie qui prive le citoyen de sa participation. C’est De Gaulle qui remarquait, au contraire, lorsqu’il relatait dans ses « Mémoires de Guerre » l’attitude des britanniques après Dunkerque : « chaque anglais se comporte comme si le salut du pays tenait dans sa propre conduite ».
- Pierre Manant explique la naissance de la Nation comme le résultat d’une lutte entre le trop grand de l’empire et le trop petit de la cité. La Nation est cette communauté intermédiaire qui réalise « une forme politique médiatrice de l’universel ». C’est pour cette raison que la doctrine sociale de l’Église lui reconnaît un « droit fondamental à l’existence ». La Nation est une étape essentielle de la subsidiarité.
- Enfin c’est le gaulliste Philippe Seguin qui soulignait que « notre Nation n’est pas repliée sur elle-même, elle est ouverte au monde ». C’est encore lui qui indiquait que « c’est au sein de la Nation que les citoyens ressentent le plus puissamment la force de l’utilité de la solidarité qui les unit ». La Nation est une solidarité plus intense politiquement mais avec le patriotisme, elle est prête à être solidaire avec les autres nations du monde lorsque celles-ci connaissent des épreuves. Le patriotisme consiste à aimer son pays, quand le nationalisme déteste les autres nations.
À travers ces trois approches, libérale, démocrate chrétienne, gaulliste on voit à quel point l’idée de nation est au cœur des valeurs qui fondent l’UMP. La Nation telle qu’elle vient d’être définie est le meilleur antidote contre les excès de la mondialisation et contre les dérives de la construction européenne.
Retrouvez l’interview que j’ai donnée à la suite de cet atelier sur La Chaine Parlementaire (de ± 6’00 à ± 10’30)
2 commentaires
Superbe discours, M. VANNESTE…Mais qui, malheureusement, ne résiste pas à l’épreuve des faits. Car comment peut on considérer la “Nation” comme une “valeur” (déjà) d’un parti ? Et plus encore comme une “valeur de l’UMP” ?
D’ailleurs, si je puis dire, votre “drapeau” annonce la couleur !
–le bleu n’est pas du tout le bleu marine foncé de notre drapeau national mais une sorte de bleu pétrole, éclairci et brouillé par une forte proportion de rouge et de vert. Dans la palette RVB (Rouge-Vert-Bleu), le bleu du drapeau français est approximativement R0-V10-B94 alors que le bleu du logo UMP est à peu près R46-V89-B151
–de même, le rouge n’est pas le rouge profond du drapeau français (approximativement R214-V19-B19) mais un rouge framboise, grisé et rosi par une forte proportion de bleu (approximativement R201-V19-B67).
Ces changements de couleurs sont-ils des détails ? Pas du tout.
Dans un logo, a fortiori un logo conçu par une agence de communication très professionnelle, rien n’est dû au hasard. Si le logo de l’UMP ne reprend pas nos couleurs nationales mais des couleurs sensiblement différentes, c’est qu’il y a une volonté derrière.
Quelle volonté ?
Pour la découvrir, il suffit de remarquer que ces couleurs, discrètement substituées à nos couleurs nationales, sont en fait des couleurs typiquement américaines. On les retrouve dans un très grand nombre de logos officiels, sportifs, religieux, associatifs, et même politiques, outre-Atlantique.
Pour s’en convaincre, il suffit :
a) de comparer les couleurs du drapeau français avec les couleurs officielles de l’UMP et celles utilisées par les logos et les matériels de campagne des grands partis américains.
b) de comparer le logo de l’UMP à ceux de nombreux autres logos américains
Ces comparaisons sont irréfutables : le logo de l’UMP est bel et bien un logo dont les couleurs et la tonalité sont typiquement celles d’un organisme états-unien.
Les dirigeants de l’UMP et de l’agence de communication ont-ils fait ce choix de couleurs de façon pleinement consciente, ou plus ou moins inconsciente ?
Au fond, peu importe car c’est aussi grave dans une hypothèse que dans l’autre. Quelle que soit l’explication, cette décision de remplacer nos couleurs nationales, qui constituent l’identité même de la France depuis 1789, par des coloris qui plaisent aux Américains témoigne de la fascination pathologique et malsaine que les dirigeants de l’UMP éprouvent pour les États-Unis d’Amérique.
Leur servitude mentale se retrouve exactement dans la politique conduite par l’UMP depuis sa création : une politique ultra-atlantiste, donc ultra-européiste et ultra-libérale.
Pire encore, cette modification de nos couleurs nationales n’est pas franche du collier. Elle se fait en catimini. Le logo de l’UMP traduit ainsi la volonté de ses dirigeants de transformer la France en une copie des États-Unis par petites touches, sans que les Français ne comprennent bien ce qui se passe.
En se pliant servilement aux choix stratégiques décidés à Washington (via l’OTAN notamment), à Bruxelles (Commission européenne) et à Francfort (BCE), la politique de l’UMP est parfaitement conforme au choix de couleurs américaines pour le logo.
M. SARKOZY n’a t il pas réintégré la France dans l’OTAN ? Ne cautionne t il pas tous les choix bruxellois ? Et n’est il pas sous la domination allemande ?
Je crois en vos convictions profondes M. VANNESTE, mais je pense aussi – à mon grand regret – que celles ci font souvent l’objet d’un désintérêt de votre groupe politique et…Plus grave, que vous acceptez que les piétinent pour des raisons qui m’échappent encore.
Comment expliquer, sinon, votre silence sur (par ex) le cas PAPANDREOU ?
La Grèce aurait elle donc perdu son statut de “Nation” pour voir son Premier Ministre “convoqué” par un de ses homologues (ici M. SARKOZY) ? Pour voir ce même Premier Ministre menacé par ce qu’il a (le méchant) osé demander un “référendum” ! On nous dit “PAPANDREOU n’avait pas prévenu ses partenaires” mais avait il à le faire ? M. SARKOZY a “prévenu” ledit Premier Ministre, qu’il allait faire enregistrer (il n’y a pas de débat !) une décision par le Parlement ? A ce que je sache, non ! L’a t on menacé de quoi que ce soit ? Et n’est pas M. ESTROSI qui a expliqué qu’un référendum serait “irresponsable” parce que, bien sur, la Nation est trop stupide sans doute…Par rapport à ceux qui l’ont fichu dans la galère qu’on sait !
Completement d’accord Tous les elements Nationaux devenues Minoritaires ont été ecrasées et leur survie critiquée Maronites et Juifs en Orient.Armeniens et grecs sous les Turcs et les Kurdes sous 4 Nations
excellente leçon pour les gogo sans histoire d’avenir