M. le président Jean-Luc Warsmann. Serait-il possible de mettre au point un indicateur portant sur le temps moyen de traitement des dossiers, entre la date du jugement et celle du règlement ? Cela nous serait utile pour notre travail de contrôle.
M. François Werner. Je suppose que nous le pouvons, et les victimes aussi y trouveraient certainement un intérêt.
Pour répondre à votre deuxième question, il est vrai que le montant recouvré en 2011 – 6 millions d’euros – ne doit pas nécessairement être mis en regard des 20 millions d’indemnisations versés la même année, car le processus de recouvrement s’étale sur une longue période. Il serait plus juste de le comparer avec le montant des indemnisations effectuées en 2009 et 2010, soit respectivement 5,5 millions et 14 millions d’euros. En tout état de cause, nous disposons de ce que j’appelle une cellule « cold case », capable de réclamer de l’argent à l’auteur de l’infraction même lorsque celle-ci a été commise longtemps auparavant. En effet, une personne insolvable au moment où elle doit répondre de sa faute peut se trouver dans une situation financière notablement meilleure deux ou trois ans après. Nous sommes donc amenés à rouvrir certains dossiers afin de vérifier cette situation.
J’en viens aux mesures susceptibles d’améliorer le fonctionnement du service. Entre le premier procès-verbal d’audition et le jugement définitif, on observe une importante déperdition d’information. De nombreux éléments recueillis au début de la procédure
– numéro de téléphone, fixe ou mobile, de l’auteur de l’infraction, état de ses revenus et de son patrimoine, charges de famille, coordonnées de son employeur, etc. – tendent à disparaître par la suite, ce qui est d’ailleurs parfaitement compréhensible et conforme au fonctionnement normal de la justice. Mais ces informations sont essentielles pour nous et il serait très utile que nous puissions y avoir accès. Le numéro de téléphone ou l’état civil complet pourrait être joint à la décision, car de tels éléments, s’ils n’apportent rien au jugement lui-même, nous permettraient de gagner en efficacité lors de nos recours.
D’autre part, l’article 706-11 du code de procédure pénale nous donne accès au fichier national des détenus – plus de 12 000 d’entre eux nous versent de l’argent chaque mois, souvent de très petites sommes –, mais pas au fichier APPI (application des peines, probation et insertion) géré par les services de l’application des peines et par les services pénitentiaires d’insertion et de probation, et qui permet de connaître la situation des personnes libérées. Il nous serait pourtant très utile d’y avoir recours.
M. Christian Vanneste. Le Fonds de garantie a été institué à l’origine pour indemniser les victimes d’attentats, puis son champ d’intervention a progressivement été étendu à la réparation d’autres préjudices, au risque de voir le quantitatif l’emporter sur le qualitatif. L’institution a-t-elle encore les moyens de répondre aux attentes des personnes victimes d’actes terroristes, dont les conséquences sont particulièrement douloureuses ?
Je pense à un cas très précis, celui de deux jeunes gens de ma circonscription, enlevés dans un pays africain et morts à la suite d’une intervention militaire. Leurs familles ne sont pas satisfaites du comportement des agents du Fonds de garantie à leur égard, ni, d’ailleurs, des propositions d’indemnisation, qui souffrent de la comparaison avec les sommes que l’on est parfois prêt à engager lors de négociations avec des preneurs d’otages. Il en résulte un lourd sentiment de frustration et d’injustice.
Par ailleurs, j’ai récemment rédigé une proposition de loi visant à instituer le travail obligatoire en prison, à l’instar de ce qui existe dans de très nombreux pays démocratiques. Ce travail serait naturellement rémunéré, ce qui augmenterait les possibilités, pour les coupables, d’indemniser leurs victimes.
M. François Werner. Votre question est bienvenue car la crainte est assez répandue de voir certaines procédures nuire à d’autres, voire les « cannibaliser ». Mais, en l’espèce, le montant des indemnités versées l’année dernière par le SARVI, 20 millions d’euros, peut être rapporté au montant total des règlements effectués par le Fonds de garantie la même année, soit 267 millions d’euros. Quant au montant des indemnisations octroyées aux victimes du terrorisme – 2,7 millions d’euros –, il est assez faible, en raison – heureusement – du petit nombre d’actes de cette nature survenus dans notre pays.
M. le président Jean-Luc Warsmann. Pouvez-vous nous rappeler quelles sont les recettes du Fonds de garantie ?
M. François Werner. Elles proviennent d’une taxe de 3,30 euros sur tous les contrats d’assurance en responsabilité civile, de produits financiers – pour environ 40 millions d’euros – et des montants recouvrés auprès des auteurs d’infractions – environ 68 millions en 2011. Cette même année, le solde de trésorerie était excédentaire d’un peu plus de 20 millions d’euros. La situation du fonds n’est toutefois pas aussi florissante que ce chiffre pourrait le laisser croire, car nous devons aussi financer des engagements à relativement long terme – il nous faut par exemple constituer des provisions pour le paiement des rentes attribuées à certaines victimes.
La prise en charge des victimes du terrorisme n’est donc pas, pour le Fonds de garantie, un enjeu d’ordre financier. En revanche, il l’est d’un point de vue humain, car nous nous adressons dans ce cas à des personnes particulièrement traumatisées. Ce n’est donc pas un hasard si nous traitons différemment un acte de terrorisme et une infraction classique : face au premier, la victime est dans l’incapacité de comprendre pourquoi elle a été agressée personnellement.
Nos collaborateurs chargés d’accueillir les victimes d’actes terroristes sont peu nombreux, mais ils sont spécialement formés et se consacrent exclusivement à cette tâche. Je crois sincèrement qu’ils le font avec professionnalisme et sérieux.
Reste la question du barème d’indemnisation. Un principe général, toujours en vigueur, veut qu’à préjudice égal, l’indemnisation d’une victime du terrorisme soit toujours supérieure à celle d’une victime d’infraction. Nous avons cependant, au sein de notre conseil d’administration, un débat sur certains aspects de ce barème, que nous envisageons de réexaminer.
En tout état de cause, nous ne fixons pas le montant du préjudice, et celui de l’indemnisation peut toujours être contesté devant les tribunaux – même si, disant cela, mon intention n’est évidemment pas d’inciter les victimes à intenter systématiquement un recours : nous préférons trouver avec elles un accord qui les satisfasse, ce qui est toujours préférable à de nouveaux délais, retardant d’autant pour elles le moment de tourner la page.
La jurisprudence montre que l’indemnisation sera plus élevée dans le cas d’une personne rendue handicapée – en raison des charges très importantes qu’induit une telle situation –, ou si la victime d’un enlèvement est libérée après une longue détention, que dans le cas d’un décès. Il ne m’appartient pas de porter un jugement sur cette différence de traitement, mais on peut comprendre que les proches d’une victime décédée soient choqués par la comparaison : ils ont le sentiment que la vie humaine est mise à peu de prix.
Quoi qu’il en soit, je vous remercie d’avoir appelé mon attention sur ce cas particulier. Je m’engage à faire le point sur la situation avec les familles des victimes.
M. le président Jean-Luc Warsmann. Je vous remercie, monsieur le directeur général, pour ces informations. Je ne manquerai pas d’examiner avec le ministère de la Justice les moyens juridiques que vous suggérez de mobiliser afin d’améliorer le fonctionnement du Fonds de garantie.
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