“Le plus fort ne saurait être toujours le maître s’il ne transforme sa force en droit et l’obéissance en devoir” écrivait Rousseau. C’est sur ce raisonnement que repose le maintien de l’ordre républicain. L’Etat est le plus fort, mais sa force est légale. Elle est devenue cet exercice du “monopole de la violence légitime” comme le dit Max Weber dans le Savant et le Politique. Cette conversion de la violence en force légale est inséparable de tout état de droit, de toute société civilisée. Soit on la considère comme la confiscation de la guerre de tous contre tous au profit du Souverain qui garantit la sécurité et la paix lorsqu’on quitte l’état de nature, soit on pense avec les libéraux qu’il ne s’agit que d’une délégation à l’Etat du droit naturel que chacun possède de défendre sa liberté et sa vie, mais dans les deux cas, celui qui détient le pouvoir régalien de faire respecter la Loi et l’Ordre ne peut être “un citoyen comme un autre, mais avec un flingue”, comme l’a écrit un avocat. Soit il incarne l’Etat, soit il exerce en leur nom le droit naturel des individus.
Aujourd’hui se déroule l’hommage national aux deux gendarmes assassinées dans le Var. On ne peut penser à ce drame sans voir à quel point il illustre l’inversion des valeurs sur lesquelles repose l’Etat républicain. Une gendarme s’est fait subtiliser son arme et tuer avec elle tandis que sa collègue s’enfuyait plutôt que de faire usage de la sienne. On ne peut pas éviter d’imaginer que ce comportement si contraire à la violence légitime et si favorable à la violence pure, ce désarmement du Droit n’ait pas été dicté par la connaissance de deux faits : la mise en examen d’un policier pour homicide volontaire pour avoir abattu à Noisy-le-Sec un multirécidiviste qui, certes, déguerpissait, mais après avoir lancé une grenade et l’acquittement aux Assises du Var justement d’un gendarme qui avait tué un voleur en garde à vue qui tentait de s’évader. Les deux ans de galère judiciaire même heureusement conclues n’encouragent guère les défenseurs de l’ordre à utiliser leurs armes. Les peines trop légères ou leur absence lèvent au contraire l’inhibition du “camp adverse” puisque c’est ainsi que certains se plaisent à considérer les rapports entre la police et la délinquance. C’est d’une étrange manière que l’avocate d’Abdallah Boumezaar ne craint pas d’évoquer “l’animosité naturelle entre les jeunes des cités et les forces de l’ordre”. Non, il ne s’agit pas d’un match et les membres de la Police et de la Gendarmerie ne sont pas des citoyens comme les autres. Dans la mesure où ils exposent leur vie pour assurer la protection des Personnes et des Biens, ils doivent bien sûr disposer d’un droit spécifique proportionné au risque encouru. Ce droit, c’est au moins la présomption de légitime défense. Ceux qui invoquent, une fois encore, la question des moyens et des effectifs devraient penser à ces pays où le policier est seul dans sa voiture, parce que les délinquants savent qu’il a le droit de faire usage de son arme.
Les belles âmes se réjouissent des limites imposées à l’action policière. Elles semblent indifférentes à la jungle qui gagne des quartiers qu’en général, elles n’habitent pas. Puissent-elles avoir une pensée pour ces deux jeunes militaires, pour cette mère de famille que ses deux enfants ne reverront plus, et prendre conscience des égarements funestes de certaines compassions quand la défense des valeurs républicaines réclamerait davantage la solidarité avec ceux qui les défendent au péril de leur vie.
3 commentaires
Quelques heures après avoir été nommé Ministre de l’Intérieur, Manuel Valls menaça de sanctions les policiers faisant usage de leur arme à feu, c’est à dire qu’ils les a en réalité désarmés psychologiquement.
Et ce n’est pas avec ce gouvernement socialiste que les Français jugeront autrement la “justice”…
http://www.corsematin.com/article/abdallah-boumezaar/la-mere-du-tueur-de-collobrieres-ce-que-mon-fils-a-fait-est-monstrueux.685046.html
Oui, il faut le dire, même si l’on est encore pour le moment fort peu nombreux à le faire. L”avenir donnera raison à la raison. Que faire d’autre que d’y croire?
Courage!