Il y a le décor : une rentrée morose avec des sondages en berne et des tiraillements majoritaires nombreux et de plus en plus musclés (le dernier en date entre Montebourg et Moscovici est inouï puisqu’il s’agit quand même d’une critique publique par un Ministre, pour des raisons personnelles, de la décision prise par un autre membre du gouvernement.) Il y a eu, hier, la navrante, la pathétique, la foireuse séance de rattrapage du Président à Châlons-en-Champagne : sans rien annoncer de neuf, il a dit qu’il n’évoquerait pas le passé, mais en additionnant les coups de griffes sur les actions différées de l’ancien gouvernement et les satisfecit implicites sur les pôles de compétitivité, le Crédit-Impôt-Recherche, ou encore les faibles taux d’intérêt et en atteignant le sommet de la tartufferie lorsqu’il a prétendu que rien n’avait été fait pour le financement de la protection sociale alors même qu’il supprime la TVA sociale. Le message tenait en une phrase : laissez-moi le temps.
Comme la crise économique est profonde, que les solutions annoncées sont des contre-sens, il faut détourner l’attention, lancer des débats sur d’autres sujets, notamment sur des évolutions sociétales qui vont braquer la droite, et peut-être même la diviser grâce à ses “idiots utiles” et qui vont au contraire réunir la gauche, et notamment les “verts”, vent debout contre la pollution physique, mais vent en poupe quand il s’agit de pollution morale. La toxicomanie est l’une de ces questions. Il n’est pas tolérable qu’on salisse la nature, mais il faut être compatissant envers ceux qui abîment le corps humain : l’écologie, mais pas l’écologie humaine, pour reprendre ce concept de Benoit XVI.
On comprend donc mieux pourquoi, périodiquement, des élus socialistes relancent le sujet : dépénalisation du cannabis, salles de shoot pour les drogues plus dangereuses encore. Les arguments brandis sont, d’abord l’impuissance de l’Etat à empêcher la pratique et à faire respecter la loi, ensuite l’avantage économique de légaliser un marché soumis à la fiscalité, ou encore social en supprimant un trafic générateur de délinquance et de criminalité, comme on le voit à Marseille, ou en contrôlant davantage les usagers, en créant du lien avec eux, et enfin dans le domaine de la santé on fait valoir que les pays qui empruntent ce chemin connaissent une diminution des overdoses et des morts par VIH.
Le progrès sanitaire invoqué est très contestable. C’est même une régression pour la légalisation du cannabis puisque cette substance fait l’objet d’études convergentes, par exemple celle publiée par l’Académie Américaine de Médecine, montrant un écart de 8 points de QI à l’âge adulte entre les adolescents utilisateurs ou non. Boris Cyrulnik soulignait les atrophies cérébrales et l’altération génétique sur plusieurs générations dont sont victimes les usagers du cannabis. Enfin la dangerosité de ce produit pour la sécurité routière est maintenant établie. Il serait absurde de lutter contre les addictions installées économiquement et socialement, le tabac, l’alcool et d’en introduire une nouvelle. Pour les salles de shoot, dans ce domaine comme dans d’autres, l’avortement ou demain, l’euthanasie, il s’agit d’une subversion et d’une perversion de l’éthique médicale, puisque, comme l’a rappelé l’Académie de Médecine, on ne peut demander à des médecins de superviser des intoxications médicalement assistées. D’ailleurs Etienne Apaire, le Président de la Mission Interministérielle a appuyé son opposition à ces prétendues avancées sur les bons résultats que donne la politique actuelle d’injonction thérapeutique et d’accompagnement avec des produits de substitution dans les centres agréés. Le but doit demeurer la guérison et non la complicité.
Le débat est typiquement idéologique : il s’agit d’un choix de société qui ne doit pas être altéré par le recours fallacieux habituel aux sciences molles et à ces prétendues faits incontournables qui privent la démocratie de sa valeur essentielle qui est la liberté, la liberté de choix politique par la majorité d’un peuple. La tolérance, la complaisance, voire la connivence de la gauche avec des comportements destructeurs de l’ordre social et de l’autonomie de la Personne, sont malheureusement essentielles à son idéologie, à cette “culture de mort” que le Saint-Père a raison de stigmatiser. Autour des propositions, le vocabulaire employé, la “réduction des risques” et non l’éradication, les souvenirs des “pétards” de jeunesse créent un halo de permissivité ravageur. On voit s’avancer une fois de plus, cette société “sans pères et sans repères”, cette “Big Mother” analysée par Michel Schneider, où tout est permis à ces enfants prolongés, sous le regard bienveillant d’une mère-Etat Providence, qui accompagnera… leur absence de maturation.
On fait appel à des modèles, les quelques pays de culture européenne qui ont mis en place les 90 centres de shoot qui existent dans le monde et qui coûtent 1 Million d’euros dans une situation comparable à la notre. Il existe d’autres modèles qui pratiquent une lutte sans merci contre la toxicomanie. Comme l’indique Pierre-Philippe Ruedin dans “Tu ne drogueras pas”, ” la toxicomanie est en constante régression à Singapour…Le message politique a le mérite d’être clair et sans ambiguïté. Cette réussite est avant-tout due à la mise en place d’un programme cohérent fondé sur le refus de la drogue, accompagné de mesures restrictives et coercitives, conjugué avec un dispositif de prise en charge thérapeutique des toxicomanes.” Sans aller jusqu’à la peine capitale, appliquée généreusement aux trafiquants à Singapour, il faut en FRANCE mettre en oeuvre une filière cohérente Police-Justice-Santé avec pour objectif l’éradication, usant de moyens réalistes, et de peines adaptées, mais surtout, systématiquement appliquées, de la contravention à la détention lourde en passant par les TIG. L’Etat ne peut fonder sa légitimité que sur la volonté du Bien Commun : 1ers consommateurs d’Europe, à 16 ans, les Français sont 38% à avoir touché au cannabis et 25000 à 17 ans à la cocaïne qui se “démocratise”. Il s’agit donc d’un enjeu de société lié en profondeur à la confiance que les citoyens et en particulier les jeunes doivent placer dans leur avenir dans notre pays. Ce serait une double faute que de tenter de faire oublier l’inefficacité d’une politique économique par des mesures qui ne peuvent qu’accentuer le Mal Français.
3 commentaires
Cher Monsieur,
Non, la politique de l’autruche ne permettra pas de gagner la guerre contre la drogue. Vous le savez, cet objectif que vous affichez (l’éradication) est une vue de l’esprit, une chimère d’une naïveté absolue.
Malheureusement, nous ne vivons pas dans la société telle que nous la rêvons (sans drogue, ni prostitution, sans violence ni misère). La prohibition (et la répression qui lui est associée) n’a qu’une seule conséquence : faire augmenter les prix des drogues afin de permettre aux trafiquants de conserver leurs marges.
Cette guerre, uniquement livrée sous l’angle de la répression depuis plusieurs décennies, la France l’a d’ailleurs largement perdue, comme vous le constatez vous-même.
Si l’on considère que le toxicomane est un être humain (au même titre que l’alcoolique), comment ne peut-on pas envisager de mettre en place les dispositifs permettant de le sortir de l’ornière ?
Les toxicomanes existent, ils se droguent dans les halls d’immeubles, les cages d’escalier et beaucoup de gens qui subissent ces situation (je ne pense pas que vous en fassiez partie) en souffrent. Proposer une alternative qui permette à ces êtres humains d’être accompagnés ne me semble pas laxiste, juste réaliste.
La France ne peut pas, seule, aller à l’encontre des politiques menées dans ce domaine par tous ses voisins, politiques dont les résultats sont bien plus probants que la répression bête et méchante dont vous faites la promotion. Le (seul) contre-exemple que vous ayez trouvé l’illustre bien : si seule la peine de mort est efficace, cela montre avec évidence l’inefficacité de la seule répression.
La toxicomanie existe, regardons la en face.
Votre discours tue.
La politique de l’autruche consiste au contraire à laisser faire 1) parce que certains pays en vivent ou certains groupes dans ces pays. 2) parce que des idéologies laxistes dominent des pays voisins, ceux où l’on cultive le cannabis et où le consomme librement.3) parce que cette forme de délinquance fait partie du paysage, comme la prostitution, que des quartiers en vivent, avec des rapports parfois troubles avec les autorités, comme vient de le souligner l’affaire Neyret. A Marseille, il y a moins de cambriolages et ce qui se passe dans certains quartiers ne gênerait pas trop ce bon M. Gaudin. Mais ces jeunes…ils utilisent des Kalachnikov… C’est pourquoi une action internationale contre les sources, une répression impitoyable contre les trafiquants et une désintoxication systématique des drogués, ce qui est la seule manière digne d’un Etat de LES accompagner, constituent la seule réponse politique. L’addiction est un fléau qui détruit la personne et ruine la société : la drogue est illicite, l’alcool ne l’est pas. Il est donc logique de ne pas ajouter un fléau à un fléau, mais de gérer et limiter celui qui existe en demeurant farouchement opposé aux autres. Singapour est un exemple à suivre dans ce domaine comme dans d’autres.
La toxicomanie existe… LE CRIME AUSSI ! Ne pas les combattre n’est pas bête et méchant, mais juste lâche et irresponsable.